L’histoire mérite d’être méditée. En la dernière semaine de juin 2023, des faits extraordinaires se sont déroulés. Un petit matin, des agents de l’agglomération escortés par des élus et des «gens du voyage» ont entrepris de détruire à la disqueuse la clôture d’enceinte de l’aérodrome d’Annemasse pour ouvrir le passage à 200 caravanes. Pour rappel l’Aérodrome est essentiellement situé sur la commune d’Annemasse, et est géré par un délégataire de service public. L’aérodrome est par définition un bien public. Les fonctionnaires de l’agglomération sciaient les barrières métalliques à la disqueuse. Une dégradation volontaire d’un bien public. Émoi du gestionnaire. En cœur, les élus, les employés, les gens du voyage, le remirent à sa place : le terrain était réquisitionné par ordre de l’État. Tiens donc, réquisitionné ? La sous-préfète qui fut aussi de la partie, expliqua ou plutôt martela, drapée dans sa dignité et son courage administratif, qu’elle représentait l’État, le camp du bien, voire les gens du voyage qui sont des citoyens comme les autres, et que ces moins que rien de privilégiés n’avaient qu’à bien se tenir, que leur passion égoïste et misérable devait s’effacer devant la majesté de l’intérêt général. La sous-préfète, les élus, les fonctionnaires, les gens du voyage, agissaient, eux, dans le souci du seul idéal qui comptait, celui du vivre-ensemble, du service public, du collectif. Survint alors, en ce point de la discussion houleuse, le directeur d’une société d’hélicoptères, qui proposa une observation très simple à cet aréopage d’éminentes personnalités. S’il y avait deux cents caravanes occupant le terrain, il serait impossible d’utiliser la plateforme pour les opérations héliportées, qui quotidiennement, transportent et sauvent des blessés, participent à diverses missions essentielles, etc. Sans compter que quinze jours plus tard le tour de France était attendu. Il posait alors la question de savoir si tout ce beau monde était prêt à assumer toutes les conséquences de cette intrusion et de l’occupation projetée. Plus aucun secours à partir d’Annemasse. Il a été dit que la sous-préfète se précipita sur son téléphone. Puis tout ce petit monde intrusif se retira, sur la pointe des pieds. Le courage administratif est toujours aussi formidable. Le courage journalistique aussi. Quoique ces faits méritaient pour le moins un entrefilet, il ne semble pas que les médias locaux en aient soufflé mot. Il faut les comprendre, ce n’est jamais facile d’appartenir au camp du bien. La morale de cette histoire est simple. La première mission de l’État est de faire respecter la loi, pas d’appliquer des emplâtres sur des jambes de bois. Il y a des lois, qui interdisent les occupations sauvages. Elles ne sont ni respectées ni appliquées. Ici, on a même l’exemple d’un soutien des autorités publiques à leur transgression. Le contrevenant routier est poursuivi sans pitié, traduit devant le juge répressif, condamné de plus en plus sévèrement. Mais, pour les intrus qui s’incrustent et dévastent les biens, publics ou privés, rien. Jamais l’ombre d’une poursuite alors qu’il s’agit d’un délit. Le courage de ne pas poursuivre est aussi immense que le courage de réquisitionner, que celui de disquer des clôtures, que celui d’écrire dans la presse….que celui pour les élus de repasser le mistigri.