L’actuelle folie des collectivités locales qui jour après jour augmentent sous les prétextes les plus divers toutes les dépenses, est invraisemblable, incompréhensible de prime abord, et dangereuse en tout état de cause. Ce qui vient de se passer mercredi 27 avril 2016 au conseil communautaire de l’agglomération en est le résumé.

Le prétexte ici, c’est la culture. Qui est contre la culture ? Personne bien entendu. Deux questions relatives à la culture ont été successivement examinées. La première était relative à la mise en réseau des bibliothèques municipales de l’agglomération. On a appris au cours des débats qu’un précédent système avait échoué. Rien n’a été dit sur le coût de l’échec. Mais pour le nouveau projet, indispensable au développement culturel et dicté par la nécessité la plus urgente, on sait qu’il coûtera 90000 € simplement pour le logiciel, plus un coût annuel de 9000 € pour sa maintenance. 90000 € pour une vulgaire base de données, personne ne s’inquiète au sein de l’aréopage réuni en assemblée de savoir si ce serait trop cher, ou pas assez cher, la question marquée par sa vulgarité ne sera pas posée. C’est passé et a été voté comme un seul homme ou presque.

Puis est venue la pièce de choix. Un pharaonique projet de rénovation d’un édifice de grand intérêt de l’une des petites communes de la périphérie annemassienne. Les finances de cette commune en sont toutes exsangues. Le projet est justifié la Kultur.

Tout d’abord il s’agira d’animer l’édifice. Ensuite il s’agira de mettre en scène des livres « objet d’art » qui marieront les textes de Michel Butor et des œuvres d’art plastique. Enthousiasme, nous avons trois richesses littéraires dans notre petite région, Rousseau, Voltaire, et Butor. Il n’est pas sûr que les premiers s’ils en avaient la possibilité se réjouissent de cette association au troisième, mais enfin, le projet serait d’intérêt puisqu’il va mettre ces œuvres élitistes à la portée du vulgaire (vous), dans un mouvement irrésistible de démocratisation. Le nouveau roman associé à la peinture abstraite, c’est l’alliance de ce siècle. Les esprits chagrins ne pourraient même pas objecter que c’est celle de la carpe et du lapin, en fait il y a une profonde communion entre les deux. Le nouveau roman est d’ailleurs à la littérature ce que la peinture abstraite est à la peinture. Michel Audiard voyait dans la peinture abstraite une escroquerie. Enthousiasme donc.

La communauté d’agglomération va mettre la main au portefeuille. Non pour l’équipement, largement subventionné d’ailleurs, mais sur le fonctionnement. Un poste et demi pour porter la bonne parole. Il va falloir organiser la visite obligatoire de toutes les écoles, toute l’année, ce qui fera toute une fréquentation qui justifiera année après année, comme pour la villa du parc, les subventions de fonctionnement. Un poste et demi = 75000 € par an. À l’objection que c’est beaucoup et qu’en dix ans ce sera 750000 € qui seront dépensés, nos chefs agglomérés et coalisés répondent que ce n’est rien sur un budget annuel total de 100 000 000 €, et donc d’un milliard sur dix ans. Quant au fait qu’aucune économie n’étant prévue par ailleurs et que donc nécessairement les impôts en seront augmentés d’autant, la réponse est simple. Il faut répondre aux besoins culturels.

C’est cette mécanique qui est désastreuse. Elle illustre le glissement exponentiel de la dépense publique. Est-ce une question politique ? Oui. Est-ce que cette folie est imputable exclusivement à la gauche. La réponse est non, et c’est encore plus dramatique.

Une dernière touche de l’horrible est appliquée dans une dernière ligne de défense opposée par les soutiens à la dépense tous azimuts. Celle de la subvention. Ne vous inquiétez pas, l’agglomération (mais cela pourrait être la commune, la région, le département) va obtenir des subventions. On vous décline des sigles divers qui montrent accessoirement toute l’inventivité sémantique des bureaucraties, mais on oublie de dire qui est le cochon final de payeur : vous, les contribuables. Allez en paix, on dépense pour vous.