Une nouvelle dimension vient d’être donnée à la campagne par le surgissement du fantôme du commandeur, Robert Borrel qui se porte au secours de son dauphin, on le voit sur les marchés, tract à la main, on le voit dans les rues badge à la boutonnière, on le lit même dans les journaux. Dans les journaux il vient de faire un coup d’éclat. Il appelle Alain Juppé à soutenir Christian Dupessey. C’est inédit. Une sorte de facétie politique dont il faut chercher le sens. Une fois qu’on a écarté la loufoquerie imaginaire d’un improbable appel au changement de camp, il reste la politique. Tout devient alors clair.

D’abord c’est peut-être un coup de pub. Le peuple m’ignore, donc je fais un éclat, et ça marche d’ailleurs puisqu’au lieu de parler de Juppé on parle de moi. Mais j’ai du mal à y croire, non qu’il ne soit pas calculateur, mais simplement parce que ce n’est absolument pas comme ça que les lecteurs du Messager ont reçu le message. Ils ont vu qu’un camp politique en appelle à un autre camp pour tenter de remporter une élection, ce qu’ils ont interprété comme l’aveu qu’il a besoin d’alliés et qu’il craint de ne pas la remporter sans cela.

C’est donc extrêmement simple. Ce que cela démontre, c’est la peur, la peur du camp de Dupessey de perdre. Il faut le secours de Borrel, lequel en appelle à une sorte d’alliance des politiques raisonnables pour sauver son successeur.

Mais il y a une difficulté insurmontable sur laquelle Robert Borrel surfe, celle du camp politique. Si Dupessey était apolitique, d’une part cela se saurait, mais il est conseiller régional socialiste, et d’autre part sa liste ne serait pas «divers gauches», comme elle s’affiche, pour ne pas dire socialiste pour des considérations purement électoralistes. Mais que l’on sache, Juppé n’est pas divers gauches. Il est à droite. Donc cette prétention de Borrel est vouée à l’échec, et il le sait. Le message est un appel aux électeurs de la droite de se porter au secours du candidat socialiste en mauvaise posture. L’obstacle à cette stratégie est que Dupessey a toujours combattu la droite, et il a oublié d’être prudent en pensant que la victoire lui était assurée. Les électeurs en décideront, mais l’imprudent a commis une erreur, c’est ce que Borrel nous dit.