Une fois encore on aura essuyé la présentation du compte administratif 2013 du budget. Normalement, on devrait accepter le compte les yeux fermés, puisque diverses personnalités au-dessus de tout soupçon se chargent de traquer les erreurs, de débusquer les virgules, ils sont si performants qu’ils viennent de dénicher une somme de 500 000 € qui traînait sur un compte oublié. Ce n’est pas une blague, c’est une délibération !

« 6) État de l’actif – Apurement du solde du compte 181

Lors d’un contrôle qualité comptable de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), une somme de 550.573,35 € (3.611.524,43 F) est apparue en anomalie sur le compte 181 (compte de liaison) de l’état de l’actif de la ville.

Les recherches effectuées en Trésorerie et en Mairie se sont révélées infructueuses et n’ont pas permis de déterminer l’objet de l’écriture qui a été mouvementée avant 1990 ».

Avec ça si on dit encore que la comptabilité publique est rigoureuse, on est sûrement pas très éloigné de la vérité. La comptabilité privée quant à elle n’a tout simplement pas droit à de telles imprécisions, et tout l’entrepreneur qui se laisserait aller à une telle poésie comptable ne passerait pas l’hiver d’une descente des services des impôts dans son entreprise, et ne pourrait survivre qu’en chaussettes.

Ce qui est amusant c’est que pendant 30 ans personne ne s’en était rendu compte.

Les présentations du compte administratif d’une année sur l’autre se ressemblent. C’est une litanie de chiffres, agrémentée de quelques diapositives, cette année sur fond bleu.

J’observais pendant la lecture de ces chiffres l’attitude des conseillers de la majorité. Beaucoup avaient manifestement décroché après les cinq premières minutes, et il leur restait plusieurs heures à tenir. Quelques-uns promenaient un regard égaré sur les massifs de fleurs que les jardiniers de la ville renouvellent à chaque séance du conseil. Nombreux étaient ceux (et celles) qui avaient le nez plongé sur leur tablette, et les seuls mouvements que l’on pouvait observer étaient produits par le pianotage frénétique de leurs doigts sur l’écran.

Les tablettes sont une invention du diable pour détourner l’attention des conseillers de la majorité socialiste de la délibération la plus importante de l’année, celle où ils acquiescent à la gestion idéale de l’année précédente, un sourire béat aux lèvres, l’esprit captivé par leur écran sur lequel on pourrait parier à considérer leur visage, qu’il n’y a que peu de chiffres.

En revanche, l’opposition comme d’habitude était attentive, et s’est déchaînée à l’issue de la présentation pour formuler ses pertinentes observations.

La vérité des chiffres, au-delà du discours ronronnant de la présentation du compte administratif, était éclatante.

Dans les grandes masses, la ville d’Annemasse voit pour la moitié de ses dépenses une augmentation annuelle supérieure à 6 %. Dans une époque sans inflation. Le souligner revient une fois encore à attirer l’attention sur les dangers d’une telle tendance. Parce qu’une telle progression sur la moitié des dépenses, en l’espèce les frais de personnel, va inéluctablement conduire la ville à choisir dans un futur proche entre une augmentation des impôts,  le spectre socialiste se profile ici teinté de gris sous les diapos à fond bleu, et une réduction des autres postes.

Mais quels sont les postes susceptibles d’être amputés ? Il n’y en a en vérité qu’un : le poste des investissements. L’alternative est donc soit l’augmentation des impôts, soit la diminution des investissements, car à l’évidence les socialistes ne veulent surtout pas toucher aux charges de personnel. C’est un dogme.

Cela étant, on sent pointer derrière le discours rassurant du maire, une once d’inquiétude.

Mais il avait choisi la diversion en brandissant le texte de l’article précédent sur ce blog.

Un crime de lèse-majesté avait été commis, une critique de l’augmentation des impôts totalement idiote votée au niveau de l’agglomération par une assemblée somnambule déclenche son ire. Tant pis, car ce qui est imbécile l’est totalement, ce qui s’apparente à une logique de gribouille doit être dénoncé, et finalement à bien écouter le premier édile d’Annemasse, il est assez clair que tout en étant conscient des dangers, il entend bien poursuivre sa «gestion» étendue maintenant à l’agglomération entière dans une même direction, celle du pire.

C’était facile de souligner aussi que structurellement année après année les budgets se détériorent alors que paradoxalement de plus en plus de ressources sont tirées des fonds frontaliers et du casino. En 2013, les fonds frontaliers ajoutés au fonds provenant du casino ont représenté autant que le produit des impôts locaux. Comme nous savons que la DGF (Dotation Globale de Fonctionnement = argent de l’État) diminue et continuera inexorablement de diminuer, la pente n’est pas bonne.

Ce ne serait rien si les dépenses étaient maîtrisées, mais ce n’est pas le cas. Le déséquilibre que l’on observe se poursuit, et s’amplifiera probablement dans un futur proche. Les dépenses en augmentation structurelle seront financées de plus en plus par des recettes aléatoires et exceptionnelles qui devraient avant tout être consacrées à l’investissement. C’est une construction sur du sable, car rien ne dit, vraiment rien que les fonds frontaliers seront conservés ad vitam aeternam.

Une saine gestion devrait consister à ajuster les dépenses de fonctionnement aux ressources classiques que sont les impôts locaux et la DGF. Ce dont dispose la totalité des communes françaises et des villes, sauf celles qui ont l’avantage d’être à la fois frontalières et en prime d’avoir un casino.

On a d’ailleurs assisté une fois de plus à cette étonnante argumentation déployée par le maire reprise de son prédécesseur d’ailleurs, qui consiste à mettre en avant le fait que les fonds frontaliers ne seraient pas un cadeau, mais un juste retour compte tenu du fait que chaque frontalier vivant sur le territoire de la ville coûte à la collectivité les services qu’il consomme.

Vu de loin le raisonnement paraît parfaitement acceptable. Mais il est totalement artificiel. Car ce qui est oublié c’est qu’au niveau de la ville, il n’y a pas plus de dépenses que celles occasionnées par tout habitant, lesquelles devraient d’ailleurs être couvertes par le seul produit de l’imposition locale et de la DGF.

Un frontalier ne coûte pas plus qu’un habitant qui n’est pas frontalier. Le raisonnement est donc faux. Il ne retrouve partiellement sa pertinence qu’au niveau de l’État, et encore, car il est vrai qu’en payant ses impôts là où il travaille, c’est-à-dire à Genève, il fruste l’État français de recettes qui servent au financement de nombreux services à commencer par celui de l’éducation et au gaspillage massif qui ruine le pays.

Mais encore faut-il ajouter à cela qu’on envisage ici uniquement l’impôt sur le revenu. Parce que le frontalier moyen dépense en France, c’est-à-dire paye de la TVA, et la TVA constitue la part la plus importante des recettes de l’État. Au final il n’y a aucune perte, même pour l’État, car les frontaliers apportent par leur pouvoir d’achat supérieur, de la richesse dans notre secteur, de la dépense et donc de la TVA. En conséquence tous les discours tenus par le maire, qui prennent la suite de ceux de son prédécesseur, sont inutilement culpabilisants, et lui servent surtout à se convaincre de l’excellence de sa gestion.

L’énergie épuisée, il était devenu impossible de réagir à la délibération sur la subvention de la journée consacrée à l’emploi. Le même jour étaient tombés les chiffres du chômage, catastrophiques à l’échelon national. C’est le produit de la gestion socialiste (mais pas que), et ce ne sont pas des forums pour l’emploi à Annemasse qui y feront grand-chose. Il est parfois plus simple de ne plus rien ajouter. Silence donc.

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