Pas tout à fait, mais presque. La bonne nouvelle du nouveau PLU adopté lundi 3 juillet 2017 par le conseil municipal d’Annemasse est qu’il sanctuarise une zone pavillonnaire. Au moins le gigantisme des constructions sera pour quelque temps arrêté à l’orée de ces ilots. Mais c’est bien en termes d’ilot qu’il faut imaginer ces zones. Ailleurs, partout ailleurs, le moins qu’on puisse dire est que la verticalité s’accroît.
Le maire a eu une excellente image pour justifier la politique urbaine défendue par son adjoint, Monsieur Michel Boucher. Il a évoqué une ville de pleins et de creux. C’était à la mode au temps du structuralisme, quand on déconstruisait le discours et qu’on recherchait dans le social des rythmes explicatifs. Appliqué à la chose urbaine l’image est intéressante, des pleins remplis de bâtiments empilés, et des creux, les rares «espaces de respiration», c’est à dire en langage ordinaire les parcs.
Mais la réalité n’est pas celle du discours qui est toujours impuissant à en épuiser la connaissance. La réalité c’est d’abord que ce PLU nouvelle mouture s’inscrit dans l’espace d’une commune surdensifiée. Annemasse est la ville la plus densément peuplée du département. Rien que cela devrait nous pousser à rechercher une pause dans cette course à la grandeur. Mais non, cela n’arrivera pas.
Après la verrue urbaine de Chablais-par(k)c (K si vous voulez faire chic), et ses bâtiments élevés qui plongent sur des rues étroites, on va récidiver sur un nouvel ilot, celui de l’ancienne clinique. 30 mètres. Et paf!. Que ce ne soit pas en harmonie avec le reste du quartier est insignifiant pour la majorité. Ce qui compte c’est d’abord le discours, ses pleins et ses déliés. Pardon, ses creux. Il y a une justification présentée pour le site de l’ancienne clinique. La justification économique. Les promoteurs ne se bousculeraient pas, l’opération coûterait cher car il y aurait de l’amiante. Une calamité. Celui des promoteurs qui reste fait donc l’aumône, mais en contrepartie de sa charité exige de la hauteur. Comme l’intérêt économique du promoteur devient une nécessité, il aura ses 30 mètres.
Le fâcheux est que le quartier n’est pas à cette mesure. Peu importe. Peu importe aussi que le raisonnement proposé soit extrêmement critiquable. Non pas que l’intérêt du promoteur on s’en fiche, mais sur sa logique. Sous réserve de la réalité de l’affirmation de la gangrène par l’amiante en l’absence du moindre chiffre articulé, de la moindre précision sur les volumes concernés, l’équilibre de l’opération pour le promoteur, quel qu’il soit, est par définition toujours réalisé. Il vend à tant le m2, et pour cela dépense X comprenant le prix d’achat du terrain et du désamiantage. S’il lui faut augmenter le X (amiante) alors si on suppose que le m2 vendu reste à prix constant, il faudra nécessairement baisser la charge du foncier. Il baissera le prix d’achat du terrain. Il offrira moins. C’est donc uniquement la poche du vendeur qui pourrait être impactée. Dès lors on ne peut comprendre l’argument de la hauteur comme compensation au surcoût résultant de la présence d’amiante. Ce n’est pas la poche de la commune. Ce n’est pas non plus celle du promoteur, c’est peut-être celle du vendeur. Mais depuis quand la mairie doit-elle se préoccuper de l’intérêt d’un particulier? Personne n’a rien contre lui, mais ce n’est quand même pas de la faute de la ville s’il y a ou non de l’amiante dans les murs. La logique échappe donc.
Dernier point sur le PLU. C’est une difficulté d’ensemble. On est à 25 % de logements sociaux. C’est la loi. On y ajoute 10 % de logements aidés. Dans la ZAC de la gare ce sera d’ailleurs un tiers de logements sociaux, un tiers de logements aidés, et un tiers de logements libres. La question de cohérence qui se pose est simple. Les foyers qui ne pourront prétendre bénéficier de logements sociaux ou aidés verront nécessairement le prix du m2 augmenter. Le m2 qu’ils vont acheter leur coûtera plus cher puisqu’il inclura nécessairement le manque à gagner de chaque promoteur sur les m2 sociaux. Il faut réfléchir à cela.
Sous le PLU, il y a sinon la plage du moins quelques tuiles.