Un maire, ni pire ni meilleur que des dizaines de milliers de ses semblables
dans notre pays aux 36000 communes, et ses adjoints écopent de 4 ans
d’emprisonnement pour le premier, de 2 ans pour l’adjointe 18 mois pour
le troisième. 4 ans, 2 ans et 18 mois, sans l’ombre d’un sursis. Du sec,
du ferme. En prime ils sont déclarés personnellement tenus aux millions
de dommages et intérêts. En chaussettes dans un cachot humide. Le fonctionnaire de l’État poursuivi a été relaxé, lui.
Il est interdit en France de commenter les décisions de justice, sauf avec égards, pour résumer. Aussi et pour ne pas brûler sur le bûcher de l’inquisition doit-on s’en tenir aux seules certitudes aujourd’hui connues, parce que colportées par de multiples journaux.
Un maire est stigmatisé. L’État est exonéré de toute responsabilité, son fonctionnaire poursuivi est relaxé.
Deux attendus reproduits par la presse sont intrinsèquement édifiants.
« (les prévenus) ont intentionnellement occulté ce risque, pour ne pas détruire la manne du petit coin de paradis, dispensateur de pouvoir et d’argent».
«L’État est irréprochable sauf à considérer qu’une commune est un organisme décérébré».
L’État = l’intérêt général. Le maire et ses malheureux adjoints = les pourris. Le mot clé, c’est «l’argent».
Malgré tout l’État irréprochable, avait tout pouvoir pour interdire les constructions idiotement implantées en zone inondable, par le truchement des zones de dangerosité ou des recours qu’il pouvait exercer contre les décisions d’urbanisme. Mais, on vous le dit l’État est irréprochable.
En France, un plan de prévention des risques, ou PPR, est un document réalisé par l’État qui réglemente l’utilisation des sols à l’échelle communale, en fonction des risques auxquels ils sont soumis. L’État peut interdire les constructions en zone dangereuse.
Et pourtant tout jusqu’au «marchandage» hideux reproché au maire qui aurait arraché au préfet plus de zones constructibles, se retourne contre l’élu. Rien contre le fonctionnaire qui, dépositaire qu’il était de l’intérêt général, et c’est le sens de la proposition, a nécessairement cédé devant le marchand. Tout n’est pas si clair dans le ciel des attendus.
La machine fonctionne comme les «Dents de la mer», ce célèbre film de série Z des années 70 que nous avons tous vu. Des politiciens corrompus, des touristes victimes de l’inconscience et de la rapacité des premiers, et avec ses petites mains un policier modeste s’oppose courageusement aux valets de Mammon et fait triompher l’intérêt général qu’il prend seul en charge.
Nous, les lecteurs, nous qui nous adressons à la majestueuse élite étatique, notre véritable maître, prosternés et dégoulinant de nos vils intérêts privés, nous tenant dans l’ombre à 3 pieds de l’hygiaphone, pour recevoir en pleine face les attendus cinglants portés au sommet de l’éloquence, illuminés par la lumière resplendissante de l’intérêt général, nous apprenons cette condamnation et la recevons avec effroi. Elle se suffit à elle même. Silence, maintenant.