Et on ne sait toujours pas quels cadeaux les temps d’airain nous réservent.
Le siècle commence à peine, et aussitôt une crise se profile, la peur s’installe, les riches sont moins riches (ils ont vu pour certains leur fortune divisée par deux sans même avoir divorcé) les pauvres toujours aussi pauvres. Notre horizon s’obscurcit.
Dans la tourmente qui se prépare, la question des finances municipales devient stratégique. On sait qu’une cinquantaine de collectivités en France se retrouvent piégées par des emprunts critiques. Un mécanisme simple. Un organisme financier, Dexia selon la presse, a proposé il y a quelques années aux collectivités locales des crédits mirifiques qui présentaient comme caractéristique alléchante de faibles taux d’intérêt. Mais il fallait lire les petites lignes. Qui le fait ? Ni les particuliers ni même les collectivités. On signe. Une cinquantaine en France on signé. Et les petites lignes en tout petit caractère ont révélé toute leur toxicité. Elles cachaient les taux variables. Après le démarrage de l’amortissement de l’emprunt, le taux fixe devenait soudainement variable. Autour de 8 à 10 %. Indexé sur la poudre de perlimpinpin, le yen, et en prime sur d’autres produits financiers. Personne n’est vraiment capable de dire sur quoi, mais le résultat est catastrophique pour les collectivités concernées.
Nous savons depuis le 25 septembre et la réponse du maire à la question de Louis Mermet, qui voulait savoir si notre ville avait souscrit ce type d’emprunts sulfureux, qu’il n’en est rien. Tant mieux. Ce n’est d’ailleurs pas par vertu, ni par prudence, mais parce que notre ville n’avait pas besoin d’emprunter. La ville d’Annemasse est riche.
Mais ce n’est pas tout. Il reste que nos finances sont de moins en moins saines, d’année en année plus déséquilibrées. Pourquoi ? C’est simple. Les dépenses de fonctionnement ne cessent de progresser sur un rythme plus élevé que celui des recettes. Les dépenses représentent au total 38 982 147 € dont 4 341 226 € sont affectés à l’autofinancement de l’investissement et aux amortissements. Les recettes atteignent 38 982 147,00 € en 2008. Lesquelles présentent à Annemasse la particularité de compter environ 25% de produits exceptionnels, le Casino et les fonds frontaliers. 12,83% pour les fonds frontaliers, 12,06% pour le Casino, soit ensemble 24,89%, soit encore 9 702 656 €, ce qui est énorme comparé aux autres villes.
Mais voilà, ces recettes sont fragiles, structurellement fragiles. Et pour rester dans la structure, même si on suppose leur permanence, on doit remarquer que la masse globale des recettes progresse moins vite que celle des dépenses. Dès lors, le déluge arrivera inéluctablement, et même plus vite encore en cas d’accident budgétaire. Par exemple : la diminution importante de la masse des frontaliers. Idée hélas fort possible, car si Genève tousse, elle crachera d’abord ses frontaliers, comme on l’a déjà vu. Le droit social suisse est simple : je vous fais votre compte pour demain matin monsieur Duchnoque, excellente soirée! Quant à la charité, c’est un vrai gros mot.
Le souci étant que si on enlève ces 24,86% à la totalité des recettes, ces dernières sont alors de 38 982 147 € – 9 702 656 € = 29 279 490 €.
Soit moins que les dépenses de fonctionnement qui sont de 38 982 147 € – 4 341 226 € = 34 640 921 €
Et en ce point la gestion dont se vante l’équipe dirigeante d’Annemasse devient soudainement beaucoup moins glorieuse.
On peut même considérer qu’elle est risquée si l’on se livre à une analyse très simple.
En effet dans toutes les autres villes de moyenne importance il n’existe ni fonds frontaliers, ni Casino. Les recettes sont assurées par quatre taxes (taxe foncière qui se divise en taxe sur les propriétés bâties et non bâties, taxe d’habitation, taxe professionnelle), et la dotation de l’État appelée DGF (dotation globale de fonctionnement). A Annemasse les impôts locaux produisent 26,31% des recettes, et la DGF 22%.
Si on n’avait que cela comme ressources, alors les impôts locaux
directs devraient être augmentés dans une proportion considérable.
Ce seraient uniquement les 26,31% des impôts locaux qui pourraient être ajustés en cas d’absence de fonds frontaliers et de Casino, la DGF restant par définition identique.
Ils devraient alors passer de 10 256 202 € (26,31% de 38 982 147 €) à …..10 256 202 € + 9 702 656 € = 19 958 858 € pour compenser cette absence. Soit une augmentation de 95 %.
Si bien que pour comparer ce qui est comparable, on serait en tête de toutes les villes moyennes pour le poids des impôts, et on ne s’en féliciterait pas véritablement. Notre ville n’est pas gérée rigoureusement.
Heureusement, en ces temps de fin d’année, on peut toujours espérer. Espérer que le rhume n’atteigne pas la Suisse, ou qu’il épargne Genève. Que les recettes du Casino perdurent.
Mais plutôt que d’espoirs il vaudrait mieux vivre d’actions. Et la première consiste à maîtriser immédiatement les dépenses de notre collectivité, par une gestion parcimonieuse.
Et dégager encore plus de ressources pour les investissements productifs de valeurs comme le câble par exemple.
Dans quelques années ce seront les propositions politiques qu’il faudra faire à nos concitoyens, une fois dissipé le rideau de fumée de la rhétorique de l’équipe majoritaire.