Cela n’a rien à voir avec la vie municipale annemassienne, puisqu’il s’agit du tribunal de Thonon. Mais l’incident survenu ce matin du 12 juillet 2017 illustre les dérives du temps. Ce matin là, à la suite d’orages, semble-t-il, l’alimentation électrique du bâtiment a été interrompue. Une panne banale, mais avec de surprenantes conséquences. Alors que des audiences étaient programmées, toutes ont été reportées. A priori on pourrait se demander pourquoi, mais la raison étonnante est que faute d’électricité le portique de sécurité de l’entrée ne fonctionnait plus. La «sécurité» n’était donc plus assurée.
Le côté amusant est que le tribunal correctionnel s’est installé dehors, derrière une table, pour opérer les renvois des différentes affaires.
La logique de la situation est proprement dingue. La sécurité semblait exiger que les personnes passent par le portique. Il ne fallait donc pas les laisser entrer sans les contrôler. En revanche il n’y avait plus d’exigence de sécurité si tout se passait dehors. Pourquoi donc? Il y aurait une sécurité intérieure et une sécurité extérieure.
Tout ça, d’accord, c’est toujours Thonon. Mais ce qui intéresse Annemasse et au-delà la société entière c’est le délire sécuritaire qui est à l’œuvre dans cet incident.
Pendant des lustres les palais de justice de France, de Savoie, et de Navarre, ont fonctionné sans phobie sécuritaire. Il y a toujours eu des incidents partout, rares d’ailleurs, et aucun depuis des siècles qui eût mérité, pour être empêché, l’installation d’un portique. C’est venu il y a une dizaine d’années, tout soudainement, au prétexte qu’une greffière avait été molestée dans je ne sais plus quelle juridiction. Partout on a installé des portiques, et bien entendu on a mis derrière les portiques des gardes. Des portiques et des emplois donc.
Aujourd’hui avec la vague terroriste une justification pourrait être trouvée, encore que. Aucun acte terroriste n’a visé jusqu’à présent un palais de justice, mais allez savoir. En fait ce n’était pas le problème lorsqu’il fut décidé d’installer les miradors, les barbelés, et les gardes.
Ce qui était en jeu et qui seul peut expliquer la décision dépourvue de rationalité alors, c’était purement et simplement l’égo judiciaire. La machine judiciaire revendique être un pouvoir. Et un pouvoir sans uniforme, sans filtre, ouvert à tout vent, ce n’est pas un pouvoir. Un pouvoir suppose la clôture. Un pouvoir qui rend la justice au nom du peuple français, mais derrière un hygiaphone et sur une estrade élevée, ne peut en effet tolérer la proximité du vulgaire. On aime le peuple, mais théoriquement uniquement. En pratique il faut qu’il se tienne à l’écart, ne postillonne pas sur les augustes personnages qui le jugent. Les portiques ont pour première fonction, sinon la seule, d’instaurer cette distance.
Cette dérive est en marche. Elle intéresse aussi la ville d’Annemasse qui à travers le dédale des contraintes, emportées par les mouvements sociaux de fond, pourrait un jour aussi être tentée par l’installation d’un portique à l’entrée de la mairie. Je vote contre.