Un sentiment d’irréalité flottait sur la séance du conseil municipal du 19 février 2014. Madame Lachenal, adjointe aux finances a présenté le budget primitif. Elle exposait, chiffre à l’appui, que jamais il n’y avait eu un si bel équilibre entre les recettes et les dépenses. Les recettes sont en hausse grâce aux fonds frontaliers (un peu moins de 10 millions d’euros), au casino (plus de trois millions), et alors que la dotation de l’état avait diminué, cependant que le produit des taxes augmentait. Les dépenses seraient « maîtrisées ». Si bien que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes budgétaires possibles, de sorte que la « marge d’autofinancement », ce qui représente l’amortissement + le surplus, resterait dans les sommets, et permettrait de réaliser les investissements les plus utiles de la création communale.
Louis Mermet a expliqué que, quelles que soient les qualités de cette présentation l’opposition ne pouvait pas s’associer et voter en faveur du texte.
D’où le sentiment d’irréalité. On danse sur un volcan. Un consensus presque partagé, en dehors de quelques vilains canards résiduels dont moi. Parce que je ne pense pas au fond que ce budget soit exemplaire.
D’abord parce que la vertu dans la soie, déployée sans effort aucun, est au mieux de la veulerie. La vertu sans sacrifice n’existe pas. Rouler les mécaniques budgétaires quand on a 30 % de ses recettes budgétaires qui proviennent de fonds frontaliers ajoutés au prix du vice qu’est le casino est ridicule. Aucune autre ville française de 32000 habitants ne peut afficher une telle abondance.
Il y a encore une autre raison de ne pas hurler de joie avec la meute socialiste.
Le caractère utile ou superflu des investissements.
Deux raisons :
1- Chaque fois qu’on fait 1 euro d’investissement, on crée 10 centimes de frais de fonctionnement et d’entretien. Voire quelques fois plus. Si bien qu’au bout du compte on réussit par ce biais à faire exploser les dépenses. De sorte qu’il serait pour le moins nécessaire de prendre en considération cette dimension quand on décide d’un investissement, ce qui n’est JAMAIS fait.
2- Il faut respecter les priorités.
Sur ce point l’irréalité le cède à l’inquiétude.
Un changement silencieux est en train de se produire : dans un an et demi, soit entre 2015 et 2016, ce ne sont pas moins de 10 médecins généralistes qui partiront à la retraite SANS ÊTRE REMPLACÉS.
Il y aura 10 médecins généralistes de moins sur l’agglomération. Ce qui signifie entre 30 000 et 50 000 actes de moins par an, car chaque médecin accomplit en moyenne 3000 à 7000 actes par an pour ceux qui en font le plus.
Sans même évoquer les spécialistes.
M Dupessey est resté sans voix. Il est vrai que ni lui ni aucun de ses adjoints n’avaient jugé utile d’assister à la réunion à laquelle ils avaient été conviés cet automne par l’association des médecins généralistes. Il a bredouillé une piètre excuse, « je croyais que la réunion avait été annulée ». Non, elle ne l’a pas été, et s’il avait prêté un peu plus d’intérêt à cette question, il aurait su tout cela.
Mais c’est moins spectaculaire qu’un stade, un BHNS, un tram hypothétique. C’est une perte de temps politicienne.
Alors que dans le même temps, grâce à la CMU et la géniale Marisol Touraine, une fraction importante des frontaliers qui jusque là se faisait soigner à Genève ne le pourra plus.
La santé publique va régresser spectaculairement. Moins d’actes, plus de patients = des délais qui vont s’allonger. Et aussi, c’est le salaire de la pensée socialiste, une médecine à deux vitesses, selon que vous serez fortuné ou non pour pouvoir vous faire soigner sans délai. Merci les socialistes.
Il y a donc une urgence : tout faire pour attirer des médecins ici. Ce qui signifie investir immédiatement dans des locaux de sorte que de jeunes médecins puissent s’installer sans avoir à supporter le poids de l’investissement.
Il ne peut être rétorqué que ce n’est pas au contribuable de payer les Mercédès des médecins. D’abord parce qu’ils n’en ont pas. Ensuite parce que dans la réalité la médecine est de moins en moins libérale et de plus en plus étatisée à travers la maléfique (je plaisante) sécurité sociale. Enfin parce que ce n’est pas l’idéologie qui compte, mais la réalité, et que la réalité se moque des discours. La réalité est celle de la menace d’une crise sanitaire par pénurie de médecins. Il faut donc investir pour faire venir ces médecins, sans égard à l’orthodoxie du discours.
Dans ces conditions, comment valider la politique de nos édiles ? Ne désespérons pas. Un jour prochain viendra la dernière séance de ce conseil municipal.