Il existe un nouveau tabou. Les transports en commun.
Le bourrage de crâne a fonctionné à merveille. Il n’y a plus personne aujourd’hui qui oserait critiquer le primat donné au transport en commun. L’emprise de la culpabilité de l’Occidental moyen, la sincère préoccupation de l’écologie, l’unanimité qui touche toute la classe politique, font que les critiques se sont tues.
Et pourtant on peut en penser beaucoup de mal aussi.
Tout d’abord parce que même si on multiplie par 3 la propension à l’usage des transports en commun, dans une région où ce mode de transport n’a jusqu’à présent que joué un rôle marginal, il restera que l’écrasante majorité des usagers ne l’utiliseront pas et prendront leur voiture, à essence ou électrique, mais leur voiture. Le problème est qu’un espace de plus en plus réduit est laissé à ce mode massif de transport. D’où ce sentiment justifié d’une «punition» de l’automobile et de son propriétaire. Des bouchons à n’en plus finir, de plus en plus nombreux et sur des plages horaires de plus en plus étendues.
Se pose alors la question de savoir si en termes de balance coût/avantages le choix de tout miser sur le transport en commun est justifié ou non. Réponse : alors qu’on jette des millions tous les ans dans les études sur tout, allant du rond-point au tram, il n’y a pas un centime de mis sur ce type de réflexion. Rien puisque la cause est entendue, et qu’il s’agit à la fois d’un tabou et d’un paradigme. Aucun discours sur les déplacements ne peut se situer en dehors du champ conceptuel du tout pour les transports en commun. C’est à peine si on se souvient encore des cycles, uniquement d’ailleurs pour enjoliver les discours.
Le premier temps d’une réflexion sérieuse devrait être de poser le problème en termes de comparaison des coûts, exorbitants, du transport en commun et de ceux de la voiture. En n’oubliant rien, y compris pour la voiture et les deux roues les coûts induits par les accidents. Une journée de réanimation ça a un coût, lequel rapporté aux millions de kilomètres parcourus vient renchérir le mode de transport individuel. Le résultat nous montrera si nos choix sont ou non rationnels et non pas uniquement idéologiques.
Toutes les opinions sont toujours admissibles dès lors qu’elles peuvent être loyalement discutées. Le soutien à la politique du Tram et du BHNS a légitimement le droit de s’exprimer. Mais en ce qui concerne l’un et l’autre le moins qu’on puisse dire est que la majorité socialiste occulte qui tout ce qui est contraire à sa thèse.
Ainsi pour le tram, masquer le fait que son financement n’est pas à cette heure assuré, relève de la mystification. Une part importante de son financement vient de la Suisse. Or, le Conseil Fédéral ne classe pas le projet dans ses priorités. Mais il y a plus encore. Un obstacle majeur provient du fait que le tracé du tram, en ne rejoignant pas la gare qui devrait accueillir 4 millions de voyageurs par an quand elle sera irriguée par le Ceva, va compliquer la tâche des usagers. Ils devront changer de moyen de transport. L’idiotie pour le tram de ne pas aller à la gare alors même qu’elle sera inondée de passagers, et alors que le tracé qui va jusqu’au lycée des Glières ne peut être concurrentiel en termes de fréquentation, tout en empruntant le boyau de la rue des Voirons, saute aux yeux. Le but du projet de tracé actuel apparaît clairement. Il n’est pas dicté par la considération de l’intérêt général, mais uniquement par le souci électoral, avant les élections municipales d’avril 2014 (on ne sait pas s’il n’y en aura pas d’autres prochainement). Dans le discours d’alors le tram allait au Perrier, ce qui n’est manifestement pas le cas quand on sait qu’au mieux il s’arrêtera dans cette direction au lycée.
Les électeurs ont été roulés. Ils sont roulés sur le tracé, ils sont moralement abusés lorsqu’il est constamment mentionné pour la gare en Novlangue qu’elle serait un pôle «multimodal», alors qu’il n’y aura que le bus qui la desservira. Le multi est un mono, abstraction faite du train. Mais même si l’on considérait le train et le bus ce ne serait pas «multi», mais au mieux «bi».
La voiture est chassée. Elle ne passera plus devant la gare. À cet égard le projet de tracé actuel pour contourner la gare qui ne sera plus accessible est tout simplement délirant.
Il a été présenté à la réunion d’une commission du conseil municipal. Le projet est estampillé Annemasse Agglo. Quand on ira en direction de la gare par l’avenue E. Zola, on ne pourra continuer en direction de Ville-la-Grand. Une nouvelle voie de circulation sera créée en prolongement de la rue du Môle à travers ce qui aujourd’hui est un parking. La circulation allant en direction de Ville-la-Grand empruntera ce nouveau tronçon, puis passera par la rue du Môle pour rejoindre la rue du Chablais où elle sera arrêtée au croisement par un feu. Autant dire que les embouteillages actuels seront multipliés. Au passage on peut admirer la cohérence qui aura présidé il y a dix ans à créer l’Avenue E. Zola pour qu’elle soit un «péricentrique» pour la boucher demain. Un péricentrique en forme d’impasse voit donc le jour.
Ce qui manque manifestement à Annemasse et à son agglomération c’est un plan de circulation ! Et pourtant si on aligne les budgets alloués depuis des années aux études, que ce soit par la ville ou l’agglomération, et qui atteignent des montagnes d’euros, on ne peut pas dire qu’on ne se soit pas donné les moyens de se tromper à prix d’or. Il est vrai que c’est l’argent des contribuables, et on ne peut juridiquement demander à M Dupessey et consorts de rendre celui consacré aux inutiles études sur le péricentrique par exemple.