C’est simple : faites une agglomération.
Ne vous contentez pas d’un vague syndicat de communes qui n’aurait comme seule fonction que de gérer le réseau d’eau et les égouts.
C’est trop mesquin.
Robert Borel dans sa toge de commandeur, un jour qu’il était interviewé par une chaîne de télévision régionale, expliqua qu’au début du syndicat des 6 communes entourant Annemasse, il y avait seulement 6 préposés. Et de se féliciter dans sa vision collectiviste de la société d’être passé en moins de vingt ans à la situation actuelle de «l’agglo» à plusieurs centaines. C’est ça le progrès à ses yeux.
L’actuelle agglomération, sorte de super syndicat de communes n’a plus seulement comme compétence le réseau d’eau et les égouts, on y a ajouté les poubelles, le transport, la piscine, la solidarité internationale, etc. Tout plein de compétences qui justifient que chaque vice-président émarge au budget pour les frais de son indispensable présence, que tous les maires (12) des communes regroupées dans «l’agglo» soient au minimum vice-président, que beaucoup d’élus en dehors des maires aient quelques fonctions et donc de probables indemnités.
La situation actuelle a été voulue par toutes les communes, à l’exception des réserves de l’une d’entre elles.
Sous l’aiguillon d’une étude de KPMG qui vantait les mérites des regroupements, une agglomération fusionnant deux communautés de 6 communes chacune, la 2C2A et la Communauté des Voirons, a été constituée. L’expert (au moins en honoraires, je suis jaloux) aura vendu à travers toute la France la même soupe qui a partout asséné à coup de présentation de son diaporama, le mantra simple à comprendre par les élus les plus obtus, il y aura des é-co-no-mies-d’é-che-lles.
Le mot magique : économie. Mais pour ajouter à la simple magie une touche de modernisme technocratique, l’autre mot magique est «d’échelle». Tous les élus, sauf quelques esprits très terre à terre, ont été endormis par la litanie. Ils sortaient des séances d’hypnose sous la conduite des gourous de KPMG avec cette certitude d’ivrogne que c’était, hic, pour le bien de tous puisqu’on allait faire des «économies d’échelle». Lesquelles n’ont jamais été et ne seront jamais décrites.
Et tout de suite «l’agglo» s’y est mise. Elle a réalisé toutes affaires cessantes, un hôtel de l’agglomération, au cœur du nouveau quartier qui borde les voix ferrées à Annemasse. Mon Dieu qu’il est beau. Le plus extraordinaire était sa justification. Le personnel de «l’agglo» était à l’étroit et il fallait nécessairement qu’il ait plus d’aise. Outre le fait qu’on louait des bureaux pour le loger. On les louait pour un prix de 100 par an par exemple, ce qui était de l’argent perdu, et très logiquement on allait rembourser 200 par an pour amortir l’emprunt nécessaire à la nouvelle construction, mais on serait propriétaire avec deux ou trois fois plus de surface. Laquelle surface s’appelle le vide, et comme la nature administrative a horreur du vide, elle le remplit immédiatement de nouveaux préposés. D’ailleurs en 2012 il y a eu une augmentation des effectifs.
Devant cette logique de Gribouille, comment s’étonner que «l’agglo» se lance séance presque tenante dans des investissements à grande échelle : la participation au CEVA, et le tram, dont on se fout de savoir que son tracé soit en bout de ligne totalement incompréhensible, car il ne va même pas jusqu’à la gare. Sans doute va t’on nous sortir une étude (payée par le contribuable) qui le justifie.
Mais il y a pire. Il y a le glissement incessant des dépenses par l’ectoplasme aggloméré.
C’est l’ineffable KPMG qui le dit dans une nouvelle étude, toujours payée par le contribuable, sur l’avenir à court terme des finances de «l’agglo». Une catastrophe. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut s’interroger sur les raisons pour lesquelles pour faire une projection des données financières il faille recourir à des études payées à prix d’or, alors que la pléthore de personnels, tous plus qualifiés les uns que les autres, dont des dizaines travaillent à la seule gestion administrative de l’«l’agglo» auraient en théorie parfaitement pu effectuer le travail ? C’est le principe du caractère illimité de la dépense publique qui transparaît là. Aucune limite, jamais.
L’illustration est malheureusement donnée, car c’est un malheur, par le rapport commandé par la communauté d’agglomération, et livré par KPMG en avril 2013. Sur la période courant de 2012 et 2016, les conclusions sont atterrantes :
«On note une progression importante des charges courantes de fonctionnement entre 2012 et 2013 à près de 6 % de croissance, qui ralentit par la suite (+2,08 % de croissance annuelle moyenne entre 2013 et 2016). Entre 2012 et 2016, les charges passent de 30,6 millions à 34,4 millions d’euros, soit une progression globale de 3,8 millions d’euros en 4 ans».
Et c’est le hors-d’œuvre.
La suite sous le chapitre «synthèse» est proprement effarante. Deux solutions sont proposées par le cabinet expert en pompage d’honoraires :
« Solution 1 : hypothèse 5 % de TH (1) et CFE afférente (2) : +3 % de hausse de fiscalité supplémentaire, soit une annuité de 400 k€, soit 4,2 millions d’euros structurels supportable,
Solution 2 : hypothèse 6,5 % de TH et CFE afférente : soit + 4,5 % de hausse de fiscalité supplémentaire, soit 630 k€ d’annuité, soit un emprunt de 6,75 millions d’euros structurel supportable».
Indigeste. Mais le principal au terme de cette somptueuse (vu le prix) analyse est sa conclusion :
«Selon l’arbitrage réalisé en matière de hausse de fiscalité, les marges de manœuvre structurelles de la collectivité seraient plus ou moins réduites pour mener à bien ses investissements».
On vous le donne en mille. En fait il n’y a aucun choix. On voit rarement des élus qui dépensent l’argent des autres choisir entre la peste et le choléra, le choléra, s’il suppose une «marge de manœuvre» plus réduite. Les roitelets détestent par-dessus tout avoir la moindre limitation de leur splendide imagination dépensière. Donc la solution la plus probable sera celle passant par la hausse maximum de la fiscalité locale. La peste plutôt que le choléra, mais même avec le choléra il y aurait une forte hausse.
Hélas, ce n’est pas tout.
Il y a encore pire dans cette étude. Le pire réside dans la note qui figure en première page :
«Les impacts du projet de tramway n’ont pas été intégrés à cette prospective. Les simulations qui seront présentées, notamment en matière de fiscalité, n’intègrent pas les besoins qui pourraient apparaître dans le cadre de ce projet spécifique».
Maman ! Au secours !
(1) : TH = taxe d’habitation
(2) : CFE = Cotisation
Économique Foncière; c’est le nouvel impôt local qui remplace la taxe
professionnelle avec la CVAE qui signifie Contribution sur la Valeur
Ajoutée des Entreprises, les deux CFE + CVAE composant ensemble la CET,
contribution économique territoriale