La réponse est oui.
Les gauches seront affaiblies. D’abord par l’exercice désastreux du pouvoir national depuis 2012. C’est la rançon du mensonge politique de l’élection. Au lieu du rêve d »être rasés gratis, les électeurs trompés se réveillent tondus dans la douleur !
Dans ce contexte d’affaiblissement des gauches, la problématique annemassienne présente toutefois plusieurs particularités.
D’abord celle de la durée. Plus de trente ans de monopole municipal peut générer un désir salutaire de renouveau, mais c’est un sentiment qui joue, s’il joue, à la marge, et peut aussi bien se retourner.
Un paramètre, purement politique, est le rattachement du maire à un parti. En 2008 lors de la campagne pour les élections municipales, le maire d’aujourd’hui avait prétendu n’appartenir à aucun parti. Dès le lendemain de l’élection, il a pris sa carte au PS pour être élu aux élections régionales sur la liste socialiste. Comme il avait également prétendu ne vouloir se consacrer qu’au seul mandat de maire et que voilà qu’il cumulait deux mandats également prenants, des esprits chagrins songèrent alors à le lui reprocher. Mais n’est-ce pas la marque suprême de l’habileté politique que de rouler les électeurs dans la farine de leur naïveté ?
Peut être, mais demain le maire ne pourra éviter son étiquette politique. Il sera socialiste, dans un temps où cette étiquette sera beaucoup moins porteuse, voire carrément calamiteuse. Un affaiblissement donc, mais qui ne peut commander seul sa défaite. D’autres facteurs jouent.
Un autre paramètre important est celui du changement graduel de la
composition sociologique de l’électorat. La société locale a changé, et
pour prendre l’exemple du nombre des frontaliers c’est une
dimension qui devra être prise en compte. Les frontaliers votent-ils à
gauche ou à droite ? Sans étude précise il est difficile de le dire,
mais la première question est de savoir s’ils votent, ce qui n’est pas
évident. L’impression est qu’ils sont relativement moins inscrits sur les listes, plus volontiers abstentionnistes que les autres. Ils sont plus de passage dans la ville où beaucoup ne veulent surtout pas rester.
En toute hypothèse il est très probable qu’ils se sentiront concernés par le mauvais coup porté à leur régime d’assurance maladie. Les frontaliers vont voir leur pouvoir d’achat amputé par le changement. Il est donc possible de s’attendre à une réaction de leur part. Encore un affaiblissement du maire et son équipe, mais pas non plus nécessairement un facteur décisif de défaite.
Le changement sociologique c’est aussi l’afflux de populations d’origine extraeuropéennes, dont on peut penser que les suffrages se portent massivement à gauche. Quelle est l’ampleur du mouvement ? Aucune étude n’existe sur ce point, à Annemasse comme ailleurs. Un électeur est par définition un citoyen, et en France contrairement à ce qui se fait aux États Unis par exemple, toute recherche d’une corrélation entre origine ethnique et comportement électoral est tabou. Ce qui existe ce sont des études électorales par bureau de vote. Mais dans ce prisme d’autres facteurs entrent nécessairement en concours. Donc on ne peut sur cette question que risquer des hypothèses. Cela étant, c’est une probable lame de fond pour le maire et son équipe.
Le premier parti en France en général et à Annemasse en particulier est
celui des abstentionnistes. Si l’on parvient à les mobiliser, vers qui
iront-ils ? Il est possible de parier qu’ils seront moins tentés par la
gauche que par les forces de droite. Encore un affaiblissement, mais qui ne sera peut-être pas décisif.
Mais en ce point surgit la problématique du Front National. Il se tenait très en retrait des élections locales, mais aujourd’hui il veut peser sur elles. Le FN prendra d’abord ses voix à la droite, puis dans une moindre mesure à la gauche. Le FN affaiblira la droite, sans profit véritable et immédiat pour lui, mais cela n’est peut être pas l’essentiel dans une stratégie de conquête du pouvoir. À Annemasse donc si le FN forme une liste, le résultat mécanique en sera une alliance objective avec le maire en place.
Au total il faut donc rester plutôt pessimiste sur les chances de battre la gauche à Annemasse. Mais pessimisme ne signifie pas capitulation. Au contraire, c’est une raison de plus pour mener une campagne énergique. Il faut détruire Carthage.