Ce n’est pas ici que je dirais qu’il était un mauvais maire, je lui
décerne sincèrement l’éloge qu’il mérite pour ses qualités politiques ainsi que les blâmes qu’il ne mérite pas moins pour ces mêmes qualités.
Loin de moi aussi l’idée de m’en prendre à l’homme, il est respectable,
même si parfois il déverse son venin, généreusement quand il a été
blessé par des attaques exagérées voire outrancières. Une conseillère en
a fréquemment fait les frais. Mais sinon, en dehors de ces
circonstances somme toute exceptionnelles, l’homme est sympathique,
adroit, et plutôt convivial, encore que sur ce chapitre je m’en remette à
mon intuition plus qu’à ma connaissance, car je ne le fréquente pas.
S’il peut perdre, ce n’est sans doute pas en raison de défaillances,
mais plus probablement en raison d’une pluralité de facteurs qui sont en
dernière analyse intrinsèquement politiques.

Le premier facteur est la rançon de l’habileté. Un peu d’histoire sur
ce point. Venu de l’extrême gauche, il s’est progressivement
embourgeoisé dans la gauche traditionnelle, celle de la bienpensance
droit-de-l’hommiste (pour moi une qualité), engoncée dans ses antiennes
cryptomarxistes, ses idées reçues sur le service public et les
différentes vaches sacrées du panthéon socialiste. Puis quand il prit
la succession du commandeur Borrel, il a voulu effacer son appartenance.
Pendant la campagne de 2008, il prit grand soin de ne jamais dire où il
se situait politiquement, sinon vaguement dans la gauche, laissant
imaginer qu’il n’y prêtait aucune attention particulière. Il se disait sans
étiquette, rassembleur, gestionnaire.

Faux. Dès le lendemain de l’élection, il a pris sa carte au Parti
Socialiste. Le revers de l’habileté est généralement le discrédit
qu’elle jette sur la sincérité. C’est de ça dont il est question dans la
problématique actuelle du rejet de la classe politique sous
l’accusation du tous pourris. Va-t’il continuer à se dire d’aucun parti ? En tout cas le premier document de sa campagne qui a été diffusé lundi 2 décembre 2013, ne comporte aucune référence à un quelconque parti. La réponse est donc qu’il récidive.

Le second facteur, commun à la classe politique, est qu’il prend les
électeurs pour des billes. Comme beaucoup il a assuré pendant la
campagne de 2008 qu’il n’occuperait que le mandat de maire, qu’il serait
un maire à plein temps.

Faux. Dès le surlendemain il était élu comme conseiller régional sur
la liste du PS. Sauf à dire qu’il n’exerce pas ce mandat, ce qui
réjouirait considérablement nombre de ses électeurs, il faut en
conséquence penser que l’homme bourré de qualités, consciencieux comme
il est, ne peut que se consacrer aux deux mandats. C’est à dire au final
qu’il est maire à mi-temps, et conseiller régional à mi-temps.
Personne  ne lui reprochera en plus de siéger dans différentes
instances, dont celle de l’agglomération. Personne ne peut être mesquin
dans la critique. Moi, si. Je suis mesquin, je persiste et je relève que cette contradiction est inacceptable.

Le troisième facteur est lié à son parti. Les Français ont la gueule
de bois. Après la fête de la campagne de François Hollande, le type qui
disait « moi, président de la République…», qui au final
s’est révélé être ce qu’il était, et après la fête, le désastre. Le Parti
Socialiste en est rendu justement responsable. Une profonde vague se
lève dans le pays. Elle débouchera malheureusement peut-être sur des
lendemains encore plus noirs. Mais elle risque de balayer beaucoup
d’élus sur son passage, sauf miracle économique, ce qui sans être
impossible n’est toutefois pas probable au stade actuel de la
déliquescence du pays.

Le quatrième facteur tient au ressentiment particulier qu’une
fraction de l’électorat pourrait nourrir à l’égard du pouvoir socialiste
actuel. Notre maire l’a senti, et il s’emploie à dire tout le bien
qu’il affirme penser des frontaliers. En réalité comme tous les
socialistes il doit les haïr pour ce qu’ils représentent : des riches
arcboutés sur leurs avantages. Il a marché avec eux lors de leur grande
manifestation. Mais, curieusement, comme s’il avait honte, il était le
seul élu à ne pas porter son écharpe. L’avait-il oublié ? N’aurait-il
pas eu toute sa tête ce jour-là ? Plus vraisemblable était la gêne de
savoir que ses copains du gouvernement avaient planté leur couteau dans
le dos des richards, cependant que, lui, était bien obligé de ne pas scier
la branche sur laquelle les finances de la ville sont en partie
assises. Mais chassez la vérité, elle revient au galop. La vérité de la
position exécrable des socialistes apparaîtra aux intéressés, sacrifiés
sur l’hôtel des finances du gouffre de la Sécurité Sociale.

Le cinquième facteur est le résultat de plus de 30 années de gestion
socialiste de la ville. Une laideur sans pareil relativement aux moyens
que la ville possède. C’est un record sans doute mondial pour une cité
d’une richesse incroyable. On peut vivre avec le laid. D’autant plus
facilement qu’on peut le fuir. Et nos concitoyens, pour beaucoup, après
quelques années dans la ville, s’en vont vivre sous d’autres toits. Mais
le laid suscite le ressentiment, et le ressentiment à force d’être
bridé finit par se déverser comme la mauvaise bile du vent mauvais. Ce
facteur est corrosif.

Le dernier facteur est l’usure. L’usure d’une majorité municipale qui
ne peut plus se renouveler. Plus de coalition à l’horizon pour la
sauver. Elle est seule en face de ses déçus.

Aucune victoire n’est jamais sûre, aucune défaite non plus, mais
cette fois à Annemasse la lente rotation des astres éclaire une nouvelle aube. Il vaudrait mieux qu’elle ne soit ni noire ni rose. Le bleu lui irait à ravir.

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