Le titre d’un article du Messager du 20 décembre 2012 était :

«SUISSE VOISINE
A. Vielliard dénonce l’utilisation des impôts payés à la source
»

Le bon Antoine, frontalier de son état, n’hésite pas à cracher dans la soupe, dès lors sans doute que cela pourrait lui rapporter quelques voix, ce qu’il doit penser, et là il touche à un sujet complexe, obscur, bref antidémocratique, car lorsqu’il s’agit d’impôts, c’est-à-dire du nerf de la guerre en démocratie, c’est la transparence qui doit seule primer.

Mais voilà, telle est la situation du sort des impôts payés par les frontaliers (60 000 personnes) à la République et Canton de Genève. De manière dérogatoire à la règle commune aujourd’hui à l’Europe et à celle des autres cantons suisses, leurs impôts sont prélevés à la source au lieu de l’être dans leur pays de résidence. Les frontaliers résidents en France selon cette règle devraient être imposés en France.

Depuis 40 ans le système actuel prévaut. L’impôt des frontaliers est prélevé à la source, et l’État de Genève reverse au Département de Haute-Savoie à et à celui de l’Ain, fraction de l’impôt, calculée de manière absconse sur la masse salariale des frontaliers. Le Département de la Haute-Savoie, pour ne prendre que cet exemple, en prélève une partie pour lui même et finance de grands projets, ce qui permet aux conseillers généraux d’asseoir leur notoriété en passant pour des pères Noël, et il en distribue le reste aux communes frontalières, théoriquement à proportion du nombre des frontaliers. Les sommes sont considérables, à Annemasse par exemple cela représente autour de 15 % du budget de la commune. Grâce à cette manne il n’est pas une commune frontalière qui n’ait pas rénové ou construit sa mairie, etc. Ou même investi dans des trucs encore plus inutiles.

La question qui se pose dans un système critiquable est de savoir ce qu’il adviendrait en cas de suppression dudit système. Et sur ce point, silence sidéral. Mais pourquoi donc cet assourdissant silence ? Parce qu’il n’est jamais facile d’énoncer les catastrophes consécutives aux mauvaises idées. Car l’alternative est simple : ou bien on conserve le système actuel, même s’il n’est pas satisfaisant, ou bien on le supprime. Parce qu’on n’aura pas le beurre et l’argent du beurre. Ce qui implique que l’autre branche de l’alternative, la suppression, doive être attentivement examinée :

– D’une part du point de vue de l’emploi des frontaliers,

– D’autre part du point de vue des communes frontalières.

Le système actuel est certes discutable du point de vue de l’État central français pour qui il est clairement un manque à gagner. Si les frontaliers étaient imposés ici, en raison du niveau de leurs rémunérations, la manne pour l’État serait importante. On pourrait grâce à cet argent supplémentaire continuer de plus belle dans le gaspillage des fonds publics. Mais les retombées ici seraient dérisoires. Du point de vue des communes frontalières ce serait une perte sèche compensée par rien. Cette perte de ressources conduirait immédiatement à une hausse des impôts, parce qu’on est en France et que la réduction de la dépense publique est une pure vue de l’esprit. Ce qui conduirait à un appauvrissement de la Haute-Savoie.

Du point de vue de l’emploi frontalier, on peut craindre qu’il ne le réduise à terme. Le canton de Genève ne fait pas dans le sentimentalisme. Les frontaliers, nos aimables voisins les souffrent, les rejettent, et s’ils pouvaient s’en passer ils le feraient sans délai, et sans état d’âme. Au lieu de frontaliers ils pourraient parfaitement avoir des immigrés. Dans le passé cela a été le cas. Cela peut l’être à l’avenir. Le seul hic c’est le logement. Mais nécessité fait toujours loi, et on peut parfaitement imaginer que Genève se remette à construire. Si l’emploi frontalier diminue, c’est toute notre frontière qui se retrouvera impactée et son économie puissamment affectée. La perte d’emploi c’est une perte de richesses.

Mauvaise idée donc.