Après tout il existe des arguments en faveur d’une socialisation municipale de la construction.

On peut imaginer que la commune achèterait les terrains dont elle aurait préalablement défini la constructibilité par le PLU, puis construirait en régie, vendrait ou louerait les logements. On peut encore imaginer qu’elle ait recours à des sociétés d’HLM. Plus aucun obstacle ne pourrait l’empêcher d’atteindre ses objectifs de politique sociale. Autre bénéfice elle se débarrasserait du «profit» du promoteur. Grâce à une politique avisée de constitution de réserve foncière, elle régulerait en plus le prix du foncier. Personne parmi les promoteurs privés ne viendrait la concurrencer. Imaginez un peu le promoteur qui s’y risquerait. Il se heurterait de plein fouet à la commune et demanderait un permis de construire. Refus, 5 ans de procédure administrative. Il n’est pas sûr qu’il puisse même trouver un vendeur désireux de patienter pour la réitération de la vente pendant autant d’années. Certes, il doit sans doute exister de tels candidats, mais ils ne sont certainement pas les plus nombreux.

Au bout du compte, la construction relèverait exclusivement de la commune. Les prix du foncier baisseraient, les entreprises de construction seraient communalisées, leurs prix seraient à leur tour soumis à l’arbitrage municipal. Le logement serait social par essence. La ville accoucherait de la mixité sociale aux forceps.

Le socialisme serait ainsi réalisé en partant par en bas, par la commune.

Cette utopie, pour l’instant c’est une vision utopique, gomme à peu près toutes les difficultés qui existent dès qu’on sort du marché. Elle oublie pour commencer que le problème essentiel de tout marché, la construction est un marché, est la solvabilité. L’offre n’existe que pour peu qu’il y ait une demande solvable. La commune peut certes par sa fiscalité propre, dans les limites de variation autorisées par la loi, dégager les financements nécessaires. Mais rien n’indique que les propriétaires de terrain jouent le jeu et offrent leur cou au couteau communal. Ils seront progressivement spoliés de leurs biens et on peut s’attendre à quelques recours. La seconde difficulté est que la promotion est un métier, qui demande la maîtrise de tous les leviers d’une opération. En fait c’est complexe et il n’est pas certain que les personnels soient pour l’instant formés à cette complexité. Ils le sont à d’autres aspects, mais pas nécessairement aux techniques de vente, nerf de la guerre de la construction. Pas de vente = pas de construction, parce que le problème est d’abord de trouver sur le marché des acquéreurs solvables pour décider d’une opération et en boucler le budget. La fixation des prix ne dépendrait plus de ce facteur, mais de la seule volonté communale, et c’est là le plus gros obstacle. La commune penserait pouvoir se passer complètement du marché, mais elle se retrouverait avec des logements sur les bras qu’elle ne pourrait que difficilement vendre à leur prix réel. Imaginez que vous vouliez investir dans un logement, si vous aviez à investir ? Pourquoi iriez-vous payer à la commune le prix fort alors que vous sauriez qu’en fonction de l’origine sociale et des moyens financiers les mêmes logements seraient bradés par l’intermédiaire de société d’HLM, au travers de prix de location ou d’accession à la propriété ? Accepteriez-vous de financer ainsi la politique communale ? Ce n’est pas certain, il est probable que vous viseriez d’autres lieux pour votre investissement où cette question ne se présenterait pas ainsi. Ce qui conduit à la contradiction essentielle qui naîtrait de cette pratique. Au bout du compte la commune aurait certes la maîtrise absolue de sa politique du logement, mais loin de réaliser la «mixité sociale» idéale, le tout tendrait vers une construction unique de logements sociaux. Il n’y aurait plus de marché, mais seulement une régulation obscure de l’attribution des logements. Mais s’il n’y a plus de marché, le financement par la vente disparaît. Le financement tendrait à être effectué exclusivement par l’impôt, et l’impôt s’essoufflerait.

L’ennui est que ce modèle n’a jamais fonctionné nulle part. En tuant le marché, la ville tuerait son devenir. L’idée de départ aurait été de réaliser la mixité sociale, poncif de tous les discours. Le résultat serait l’unicité sociale, le contraire du but initial. Au lieu d’une ville, un ghetto. Au lieu de l’abondance, la pénurie à terme.