On pouvait se dire jusqu’ici que tout allait bien, et qu’à ne pas regarder le problème posé par le FN, on allait s’en sortir. Le «on», c’est nous, c’est moi. C’est donc ma responsabilité que je veux examiner.

J’ai vécu aussi sur l’illusion de la politique de l’autruche. J’ai la tête dans le sable, et le train peut passer, je ne vois rien d’inquiétant.

Et pourtant, pourquoi ne pas dire les choses quand des points fondamentaux vous séparent d’un parti comme le FN ?

Il faut tout d’abord faire une mise au point. Stigmatiser le FN parce qu’il serait «antidémocratique» ne fait pas sens. Il présente des candidats aux élections, ce qui est démocratique, des électeurs votent pour eux, c’est toujours démocratique, et quelques fois les élisent, et c’est encore démocratique. Même si dans certaines parties du territoire la règle du jeu démocratique n’est pas scrupuleusement observée, comme c’est le cas à Vénissieux ou à Annemasse où des fraudes manifestes ont été commises. Le Conseil d’État vient de nous dire à Vénissieux que les élections étaient annulées pour fraude, avec des sanctions d’inéligibilité à la clé, il se prononcera prochainement sur le cas d’Annemasse sur l’appel fait par le FN et les socialistes, unis pour le coup. Nous verrons.

Les écarts de conduite ne sont pas en cause ici. Ce qui est ici en cause ce sont les oppositions fondamentales que les centristes ont avec le FN.

– D’abord la question de l’étranger et des étrangers. Les étrangers (immigrés) seraient la cause de tout. On peut toujours discuter de tout, et pourquoi pas de ce thème qui ne doit pas être un tabou, sauf à vouloir à tout prix augmenter les voix du FN qui surfe alors sur le politiquement correct. Mais voir dans les étrangers la cause des déficits qui plombent notre pays, sans rien dire jamais des politiques suicidaires menées depuis 40 ans par la droite et la gauche confondues en matière de dépense publique, est un non-sens.

Et l’Europe n’est pas le problème non plus, c’est au contraire la solution, et seule la démagogie la plus idiote peut conduire à penser le contraire. Entre le FN et les centristes de tout poil, il y a un abîme.

– Ensuite la question économique. Le FN c’est, après les socialistes, «demain on rase gratis». Augmentation du SMIC, des retraites, de tout. Ce n’est à l’évidence pas une politique économique, mais une série de propositions de pur racolage électoral.

Les élections partielles dans le Doubs viennent de démontrer que désormais aucune stratégie ne peut se déployer sans prendre le FN en compte. S’il représente au premier tour le tiers de l’électorat, dans un paysage de participation anémiée ou moins d’un électeur sur deux se déplace pour aller voter, un tiers c’est à dire au mieux 15 % des inscrits. Autant que pour les droites, autant que pour les gauches. Plutôt que se répandre en imprécations il est plus raisonnable de réfléchir d’urgence aux stratégies électorales, avec une conséquence évidente : à défaut d’union du Centre et de l’UMP au premier tour, on risque de mordre la poussière, parce qu’il faut pouvoir passer la barre des 12,5% des inscrits pour être au second tour. Avec une bonne moitié d’abstentionnistes, c’est en réalité un quart des votants qu’il faut au minimum réunir. Dans beaucoup de circonscriptions, ni l’UMP ni l’UDI ne peuvent avoir la certitude d’atteindre ce quart.

Plus que jamais cette union est nécessaire.