Mes chers amis,

Pour rédiger mon discours, je
cherchais dans notre histoire, récente et moins récente si nous avions
déjà été confrontés à une situation semblable : un abîme de morosité et
de pessimisme dans une société qui a perdu ses repères et sa confiance
et enfin la tentation de la régression nationale.
1992-1993 par exemple, la fin des
années Mitterrand, la déliquescence du parti socialiste dans les
affaires Pelat/Tapie, le gang des Safranes, des ministres qui ne
pouvaient plus sortir de leurs ministères pour aller en province de peur
de se faire chahuter, une économie atone. Beaucoup de similitudes donc
mais avec une différence de taille. L’opposition était en état de
marche. Le RPR et l’UDF étaient là pour assurer l’alternance.

Alors remontons un peu plus loin dans
notre histoire politique : 1958. Oui une vraie crise de régime,
l’hallali d’une IVème République à l’agonie. L’impuissance de l’Etat et
des institutions bancales emportées par la décolonisation. Comme
aujourd’hui aussi des finances en mauvais état. Mais là aussi il y avait
une différence de taille avec ce que nous vivons aujourd’hui. On avait
la croissance, et une croissance à 5% : On avait le plein emploi ! On
avait les trente glorieuses ! On construisait l’Europe autour des idées
centristes ! On avait des projets plein les cartons qui ont été souvent à
tort attribués à la Vème.

Non, vous voyez notre référence pour
cette tension démocratique, économique et morale autant que sociale, je
dirais c’est plutôt 1934, les affaires avec Stavisky et consorts, les
ligues d’extrême-droite qui défilent la canne-épée à la main, la montée
des nationalismes, le chômage, la démocratie aux abonnés absents, et la
République qui vacille.
On se dit toujours : mais ça ne peut
pas arriver. La Vème République est trop solide. Les gens ne laisseront
pas faire. Ils réagiront. Je pense qu’à cette époque beaucoup se
disaient cela aussi. Et puis un jour de 1940 c’est le vote des pleins
pouvoirs à Pétain par une majorité de députés républicains. Et puis un
autre jour c’est le putsch des généraux. Et puis un autre jour le
Général doit se rendre à Baden pour s’assurer de la confiance des
armées. Et on voit alors qu’une démocratie peut vaciller, que la nature
humaine peut préférer l’autorité à la liberté, d’autant que beaucoup de
nos compatriotes rêvent aujourd’hui de foutre le système par terre.

Oui il est là le sujet et nous devons réagir. Faut-il une 6e
République ? Un jour pas si lointain, il faudra se poser la question.
Que faire d’un pouvoir qui est une illusion d’efficacité et une réalité
de médiocrité ? Ces préfets, ces recteurs, ces directeurs
d’administrations centrales, le doigt sur la couture du pantalon mais
dont toutes les décisions ne font qu’un clapotis pour nos compatriotes
sur l’océan de la mondialisation. Un système incapable de se réformer
qui compense en produisant de la norme. Que faire de ce système quasi
monarchique qui dégénère, corrode, corrompt notre démocratie ? Que faire
de cette élection présidentielle qui rend complètement dingo la classe
politique française ? Que faire d’un mode de scrutin qui à l’Assemblée
nationale donne à deux partis qui font 35 à 40% des voix la
quasi-totalité des sièges ?

Quelques-uns ici, j’en suis sûr, vous
allez me dire «  tu as raison Hervé mais l’essentiel c’est le chômage,
la dette, les salaires, ce ne sont pas les institutions ? ». Et bien
vous voyez, ce n’est pas mon avis. Moi je crois qu’il y a un lien très
fort entre la déréliction de nos institutions et notamment cette folie
de l’élection présidentielle et notre incapacité à reformer et à
remettre notre pays dans la bonne direction. Regardez l’Allemagne, il y a
bien un lien entre la tempérance et l’équilibre de son système
parlementaire et ses résultats économiques ? Oui, même si c’est
compliqué car je sais l’attachement des gens à l’élection
présidentielle, il faut dire aux Français que la restauration de
l’économie, notre capacité à gérer la transition de notre pays vers le
monde nouveau, la prise en main des 4 -5 grands sujets majeurs de ce
début de siècle passe par une révolution institutionnelle : une VIème
République combinant régime parlementaire et fait majoritaire comme le
prévoyait la Vème République avant l’attentat du Petit-Clamart et la
révision de 1962. Sans changement démocratique profond, on n’arrivera à
rien je vous le dis.

Aujourd’hui l’élection présidentielle
est devenue non plus le grand rendez-vous démocratique de notre pays
mais le grand rendez-vous démagogique.  Un immense jeu de farces et
attrapes pour quelques gogos qui y croient encore. Et je mets un petit
coup de 75% de taxation, une petite dose de fonctionnaires avec 60.000
enseignants, un petit zeste d’écologie avec la fermeture de Fessenheim
et voilà le programme, un programme sans cohérence, suintant la
démagogie par tous ses pores. Un programme dont évidemment pas une seule
des promesses ne se réalisera. Et pendant ce temps, on accuse Marine Le
Pen d’avoir un projet qui ne tient pas la route. C’est vrai mais
commençons-nous par balayer devant notre porte !
Voilà la réalité de la Démocratie française.

Et voilà pourquoi cette gravité
aujourd’hui. Ne soyons pas ceux qui savaient et qui n’ont rien fait. Ne
soyons pas ceux qui pouvaient et qui n’ont rien fait. Le PS est en
lambeaux, l’UMP est en charpie, mais nous centristes nous sommes debout,
vivants, résolus et porteur d’espoir. Oui heureusement il reste l’UDI
pour dire non au Front National, oui à la démocratie et oui aux Etats
Unis d’Europe – ce qui doit nous mobiliser, c’est de devenir une
alternative aux autres partis qui n’écoutent plus, ne voient plus, ne
gouvernent plus. C’est aux yeux des Français une force alternative
crédible.
Notre formation politique est toute
jeune. Et pourtant elle est là, seule au milieu d’un champ de ruine,
seul parti démocratique rescapé de ce grand naufrage des européennes.
 
Et, mes chers amis, cette situation nous impose plus que jamais un devoir de responsabilité.
Notre première responsabilité c’est
de renforcer notre parti. Qu’est-ce que ça veut dire renforcer notre
parti ? C’est tout simple, cela veut dire respecter les 3 lettres de
notre mouvement, U D I, Union   Démocrates    Indépendants.
Oui, nous avons grandi si vite qu’il
est bon de se rappeler ce que veulent dire ces trois lettres.

L’Union d’abord. Beaucoup en doutait –
vos savez les fameuses grenouilles qui n’arrivent pas à rester dans la
brouette – et pourtant nous l’avons réussie. Cinq partis politiques
fondateurs aujourd’hui beaucoup plus unis qu’on ne le dit car ils savent
que leur avenir propre est intimement lié à la construction de l’UDI,
et des adhérents de plus en plus nombreux, des jeunes beaucoup, qui
veulent d’abord un grand parti du centre capable d’incarner une
alternative. Tout cela nous le devons à Jean-Louis qui savait arranger
les bidons avec un talent sans égal.

Cet esprit unitaire, je vais vous
dire, c’est notre bien le plus précieux, il est plus précieux que tous
les statuts et toutes les déclarations. Alors surtout gardons-le et
renforçons-le.

D comme démocrates. Et appliquons
déjà ce mot à nous-mêmes avant d’accuser les autres. Vous déciderez
bientôt qui succèdera à Jean-Louis Borloo à la présidence de l’UDI.
L’élection du mois d’octobre sera capitale dans le contexte de
déliquescence démocratique que je vous ai décrit. L’UDI doit être
exemplaire dans son fonctionnement interne. Respect des statuts. Respect
de notre charte. Campagne interne propre. Election la plus transparente
possible de notre président ou de notre présidente. Et surtout,
évidemment, rassemblement immédiat derrière lui ou elle sitôt son
élection.  Mes chers amis, octobre sera un moment de vérité dont vous
devez être les garants ; si nous ne respectons pas nos règles, je vous
le dis, c’est toute notre union qui sera menacée car dès lors plus
personne ne sera engagée sur rien. Tout redeviendra comme du temps
d’avant l’UDI et, en moins de 6 mois, je vous le garantis ce sera l’OPA
assurée, de l’UMP ou du Modem ou des deux à la fois sur notre formation.
Et puis je vais vous dire, si nous ne sommes pas capables de gérer
parfaitement ce moment démocratique interne, comment pouvons-nous
espérer pouvoir gérer ensemble des questions beaucoup plus lourdes qui
se poseront à nous en 2015/2016 comme la satanée élection
présidentielle, ou celle des conditions de notre alliance ?

I comme Indépendants justement.
Certains aussi y voyaient une faiblesse. C’est au contraire notre force.
Dans un monde complexe, les pensées convenues échouent alors que les
esprits libres et indépendants réussissent. Les organisations
caporalistes, les partis casernes, ce n’est pas fait pour nous !
Indépendants, ça veut dire aussi
quelque chose de très simple. Nous ne sommes pas dyslexiques. UDI ne
veut pas dire UMP pas plus aujourd’hui que demain. Je dis cela parce que
j’ai entendu le chant des sirènes d’Alain Juppé ou Jean-Pierre
Raffarin. Voyons-nous, parlons nous, faisons enfin le grand parti de
droite et du centre. C’est 2002 le retour. Ils nous refont le coup « des
carottes et des petits pois ». Et bien « même pas en rêve Alain » comme
dit ma fille aînée ! Vous les avez vus vous les centristes à l’UMP ?
Regardez leurs présidents depuis 2002 : Juppé, Sarko, Devedjian,
Bertrand, Copé, et demain re Juppé ou re Sarko. Ils sont où les
centristes ?! Regardez les successeurs possibles : Fillon RPR, Pécresse
RPR, Bertrand RPR, Wauquiez RPR, Baroin RPR, Le Maire RPR, NKM RPR… je
m’arrête.

Et ne vous trompez pas, l’UMP n’est pas en train d’exploser et n’explosera pas.
Elle n’explosera pas, pas plus que le
PS n’a explosé dans ses pires moments, car les uns et les autres savent
que sous la Vème république, le système leur garantit l’accaparement du
pouvoir national et local. Ce à quoi vous assistez est juste un
phénomène de décomposition-recomposition classique d’un parti dominant
au lendemain d’un échec politique. Les Français ont assisté exactement
au même phénomène 5 ans plus tôt à gauche. Et puis vous connaissez cette
phrase de Tocqueville : « en politique, la communauté des haines fait
presque toujours le fond des amitiés ».

Alors, le grand parti du droite et du
centre je vais vous dire ce que c’est pour moi dans l’avenir : c’est
très simple, c’est l’UMP d’un côté et l’UDI de l’autre. Oui, chacun chez
soi et les vaches seront bien gardées, dit-on chez moi en Normandie. Ce
qu’il nous faut, c’est un grand parti de droite fort et un grand parti
du centre fort et non pas un parti obèse, tellement sans architecture
qu’il devient difforme, pas un parti Albatros que ses ailes de géant
empêchent de marcher. Et notre but sera clair, je vous le dis : 1. Peser
suffisamment dans la majorité de 2017 pour forcer l’UMP à signer un
contrat de gouvernement avant l’élection 2. Réussir à leur passer devant
aux législatives de 2022. L’UDI comme l’UDF ne se fera pas en un jour
mais dans plusieurs années rien n’est impossible, j’en suis sûr.

Et j’oubliais, indépendants veut dire
aussi indépendants du Modem. Nous avons fait un cartel électoral. Très
bien. Maintenant que fait-on ? Y-a-t-il un chemin entre d’un côté la
petite aventure extra conjugale d’une nuit et de l’autre le mariage en
grandes pompes dans les salons du château de Pau ? A vrai dire je ne
sais pas. Il y a une ligne de crête à rechercher. Il faut en débattre
tous ensemble, démocratiquement. Non pas passer par pertes et profits ce
que nous avons construit ensemble, notamment pour les Européennes, mais
continuer à dialoguer, à débattre ensemble des grands sujets pour
partager des solutions communes. Ni plus ni moins pour le moment, et
nous verrons bien après ces forums communs, ces séminaires communs si
nous en sommes au moment de l’emballage final. Avec le Modem nous
n’avons pas besoin d’un énième organigramme. Je vous propose simplement
qu’on réfléchisse, travaille ensemble sur les grands sujets
qui traversent la société française.

Unis, démocrates, et indépendants !
Ce doit être notre feuille de route pour l’UDI. C’est aussi notre
responsabilité : préserver l’unité de notre famille politique dans le
respect de nos différences, être en première ligne des démocrates contre
l’extrémisme et pour la défense de nos libertés, porter l’idée de
responsabilité et de liberté d’entreprendre, défendre l’indépendance de
parole et de pensée de chacun des adhérents de l’UDI et de l’UDI tout
entier. Le défi effraie si l’on est seul. Il motive quand on sait que
toute une équipe et des milliers de militants sont à vos côtés pour le
relever.

Y aura-t-il un centriste aux
présidentielles ? Ma conviction est qu’il faut tout faire pour en avoir
un. Mais tout faire ne veut pas dire faire n’importe quoi. Je suis sûr
de deux choses concernant cette candidature centriste. La première c’est
que si la présidence de l’UDI devient une affaire personnelle autour de
la présidentielle, l’UDI sera morte. La présidence de l’UDI ne se
résume pas l’élection présidentielle. Ce n’est pas la même étape. Il ne
faut pas confondre mettre un parti en capacité de présenter un candidat
pour la présidentielle, ce qui est le job du futur président de l’UDI,
et ensuite décider collectivement d’une candidature et des moyens de sa
sélection. Ce sont deux étapes distinctes, différentes. La seconde chose
que je sais, c’est que le poids du Front National nous imposera de
regarder les choses avec lucidité en posant 3 questions. A-t-on un
candidat crédible ? Risque-t-on de faire éliminer notre camp du 2nd
tour ? Quelle capacité a-t-on de peser dans le cadre des primaires afin
qu’à l’issue des législatives nous soyons incontournables pour la
majorité ? Avoir les clés au parlement, ce doit être notre objectif
essentiel. En clair, assez de députés pour qu’aucune majorité ne se
fasse sans nous. A ce jour, je n’ai aucune réponse à ces trois questions
mais elles me semblent essentielles. Si on les perd de vue, c’est l’UDI
qu’on perd de vue.

Vous le savez bien, la politique
n’est pas un système stable mais un processus permanent de
transformation. L’UDI a besoin d’un visage, vous déciderez bientôt
lequel. Elle a besoin d’un projet, nous le construirons ensemble. Elle a
besoin d’un élan, il est ici dans cette salle. Vous l’incarnez et il ne
s’arrêtera pas.