En dehors de la mousse, bien utile surtout en temps d’élections, cette communauté de 12 communes au total, devait au premier chef réaliser des économies d’échelle. C’était le leitmotiv des présentations payées à prix d’or par toutes les communes à la société KPMG, un «big» du business juridique en France. KPMG a sillonné les conseils municipaux lorsque la question de la fusion des communautés anciennes de la 2C2A et celle des Voirons s’était posée. KPMG s’était fait une spécialité de vendre les «agglos» dans la France entière.

KPMG présentait dans chacun des conseils municipaux le même diaporama payé des milliers d’euros par commune. Une mine. La firme changeait simplement les chiffres, pour démontrer tout l’intérêt qu’il y avait à constituer une agglomération, (pour elle l’intérêt était clair) c’est-à-dire un établissements public de coopération intercommunale, prenant en charge un certain nombre de compétences de chacune des communes pour mieux les exercer. Il existait déjà divers syndicats pour gérer l’eau, les déchets, etc. L’agglo» devait faire mieux, c’est-à-dire réaliser des économies d’échelle.

J’avais posé une seule question lors de la présentation à Annemasse : quelles seront les économies ? La réponse embarrassée était que c’était difficile de dire combien, qu’il ne fallait pas raisonner en termes purement comptables, etc. Bref, que la vérité était en fait toute contraire.

Et dans les faits c’est bien sûr ce qui s’est passé. L’agglomération a été constituée, les dépenses ne sont pas maîtrisées, les effectifs ont immédiatement gonflé, il y a eu au seul plan des élus un président et autant de vices-présidents que de communes, tous rémunérés, une multiplication des réunions, des recours incessants aux experts extérieurs, une multiplication des projets. Tout cela coûte cher. Très cher. Les communes n’ont pas diminué leurs effectifs. Mais les effectifs de l’agglomération ont eux augmenté pour atteindre 294 personnes.

Sur le plan des dépenses on attend encore une démonstration qu’il y en ait moins. Manifestement il y en a plus. Il y en a qui par exemple étaient inconnues et qui émergent grâce à l’agglomération. Ainsi la «solidarité». Annemasse sera une cité de la «solidarité». En rivalité avec Genève (!). Ainsi encore cette année pour étudier la seule organisation d’une manifestation, Annemasse Agglo a inscrit à son budget la bagatelle de 150 000 €. (J’ai corrigé : initialement j’avais mentionné 650 000). Vous avez bien lu. 150 000 € pour la seule étude. Ce qui est scandaleux. Ce n’est d’ailleurs pas seulement la dépense qui est scandaleuse, mais aussi le mécanisme de son adoption. Un rapport, pondu avec les mots de la technocratie de gauche, lu dans le discours de cette technocratie prétentieuse par un élu, puis voté par des élus qui ne disent rien. Aucun qui vienne demander si ce n’est pas trop cher, à l’exception de Louis Mermet. Tous ont voté cette dépense sans se poser de question et sans en poser.

C’est là qu’est le véritable scandale. Toute dépense présentée est votée. Jamais aucune n’est même remise à plus tard pour être mieux examinée. Les élus, qui ne représentent au fond qu’eux-mêmes et leurs conseils municipaux respectifs, n’émettent aucune critique, aucune question, rien. Le silence, leur silence répond au discours ronronnant de la technostructure de gauche, toujours de gauche, qui prépare les délibérations. C’est l’esprit de Borrel, celui de Dupessey, celui de Mathelier. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’ils disposent d’un outil intellectuel critique qui leur permet de dominer les matières abordées, ce sont de véritables intellectuels. Non pas que les élus des autres communes soient incapables de les comprendre, au contraire, ils les comprennent parfaitement, et ils sont tous réticents car ils sont pétris de bon sens et d’intelligence, mais en même temps ils sont intimidés par le Verbe majestueux. Ils n’osent pas s’opposer. Et la solidarité à 650 000 € pour la seule étude passe comme une lettre à la poste. Ressaisissez-vous ! Boutez les anglois dehors, et revenez au bon sens.

Ce fonctionnement est délirant.