«4. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales qu’il appartient au conseil municipal de déterminer les conditions de mise en œuvre du droit d’expression des conseillers municipaux d’opposition dans les bulletins d’information générale portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal; que les conseillers municipaux tenant de leur qualité de membres de l’assemblée municipale le droit de s’exprimer sur les affaires de la commune, tout élu doit être regardé comme n’appartenant pas à la majorité municipale au sens des dispositions précitées, dès lors qu’il exprime publiquement sa volonté, par delà des désaccords purement conjoncturels ou limités à un sujet particulier, de se situer de façon pérenne dans l’opposition; qu’enfin l’espace réservé aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale doit, sous le contrôle de juge, présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti;


7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune d’Annemasse n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération susmentionnée en tant qu’elle a adopté l’article 31 du règlement intérieur du conseil municipal; »

Nous avions raison.

Louis Mermet et moi avions raison.

La ville d’Annemasse a donc dépensé en vain des sommes importantes pour combattre l’évidence rappelée par le tribunal administratif de Grenoble, puis par la Cour administrative d’appel de Lyon. L’évidence était que le règlement intérieur de la ville qui bridait l’expression des conseillers municipaux de la minorité n’était pas conforme au texte de la loi.

Le tribunal puis la cour auront donc annulé la disposition litigieuse du règlement intérieur.

La conséquence de cet arrêt du 7 mars 2013 est d’abord que le droit d’expression dissidente n’appartient pas aux «groupes», notion que la loi ne connaît pas, mais aux conseillers pris individuellement. Ce qui n’est pas sans poser en fait problème en face de l’exigence du même texte de la loi d’un espace suffisant d’expression. Or, si on divisait l’espace attribué aux «listes» par le nombre des conseillers d’opposition, chacun ne pourrait à peine que dire bonjour et au revoir, puis clore aussitôt son propos. La situation actuelle n’est donc pas tenable devant cette exigence d’un espace présentant «un caractère suffisant» posée par la Cour administrative.

Mais il y a plus encore dans cet arrêt.

La cour, tout en écartant les arguments articulés par la majorité du conseil municipal, ne répond pas explicitement à celui que nous avions aussi développé et qui visait à empêcher la majorité non seulement d’avoir tous les moyens d’expression à travers son site, la presse, mais aussi le journal municipal d’information, (JIM), et en prime de s’adjuger un espace d’expression. Ce cumul n’est prévu par aucun texte.

À première vue on pourrait penser que la cour écarte cette critique. Point du tout. Au contraire elle l’insère dans son arrêt, implicitement. Tout simplement parce qu’elle répond que le seul espace d’expression envisagé par la loi est réservé aux conseillers minoritaires. Elle n’avait donc pas besoin d’ajouter une réponse redondante. Ici c’est le plus pur style lapidaire de la jurisprudence administrative qui s’exprime.

Donc nous avions encore raison, Louis Mermet et moi, et nous avons encore raison quand nous disons à la majorité qu’elle ne peut s’exprimer dans un espace supplémentaire alors qu’elle dispose déjà de tous les supports médiatiques généreusement entretenus par la commune à son seul service.

Texte de l’arrêt en PDF : Arrêt du 7 mars 2013 Commune d’Annemasse c/ M. Benoist et M. Mermet