En l’an de grâce 2014, les frontaliers subiront une amputation de leur pouvoir d’achat en triplant leurs dépenses de santé.

Ils seront alors logés à la même enseigne que tous leurs compatriotes, qui résident en France et qui travaillent en France. Ils devront adhérer à la CMU et payer 8 % de leur revenu au titre de leur cotisation pour l’assurance-maladie. Cela leur coûtera exactement trois fois plus cher que la moyenne des primes qu’ils supportent actuellement.

La cause de tout cela vient la ratification des traités bilatéraux avec la Confédération helvétique. L’entrée en vigueur était prévue au 2009 mais a été repoussée aux 31 mai 2014. Les frontaliers regroupés dans leur association ont naturellement protesté, ont mené des actions, ont interpellé les pouvoirs publics, et avaient jusqu’à la dernière élection obtenu le soutien du président de l’Assemblée nationale.

Il est donc extrêmement important pour éviter cette amputation de leur pouvoir d’achat qui ne pourra qu’avoir des conséquences négatives sur toute l’économie de notre région frontalière, et mécaniquement encore aura un impact sur l’emploi, de tout mettre en œuvre pour repousser cette échéance et de les soutenir dans cet objectif. C’est le devoir des représentants politiques.

Mais au lieu de soutenir cette action, Antoine Vielliard vient leur planter un couteau dans le dos en invoquant le principe d’égalité. Il ne voit pas pour quelle raison ils bénéficieraient d’un tel avantage. Apostrophant le candidat socialiste, après s’être répandu en amabilité sur tous les autres, il écrit : «Alors pourquoi avoir sacrifié l’intérêt général, l’égalité entre les habitants, la préparation de ces échéances pour les frontaliers, l’honnêteté ?».

Antoine Vielliard ne fait rien par hasard, rien par bonté d’âme, mais tout par calcul. C’est normal, il fait de la politique. Il a sans doute pensé qu’il y avait plus de personnes qui ne bénéficient pas du statut de frontalier que de personnes qui en bénéficient, et donc qu’il y avait plus à gagner électoralement en jouant cette carte qu’en soutenant les travailleurs frontaliers. Même si cette amputation ne rapporte pas un rond aux non-frontaliers. Le ressort n’est pas dans la logique, il est dans la passion, occulte, masquée, nauséabonde.

Sa réflexion qu’il n’y aurait aucune raison pour que les frontaliers puissent continuer de bénéficier de cet avantage alors que les autres n’en profiteraient pas, est marquée du sceau infamant de l’envie.

Qu’est-ce que l’envie ? Ce n’est pas la jalousie. On est jaloux de ce que l’on a, envieux de ce que l’on ne possède pas. L’archétype de l’envieux est cet enfant qui casse le jouet de son copain. En le cassant, il ne l’aura pas, mais il l’aura soustrait à son camarade. Le casser ne lui rapporte rien, sauf la satisfaction de faire le mal. L’envie est une passion purement négative. Et c’est le schéma proposé par Antoine Vielliard. Il ne propose pas que l’avantage actuel des salariés frontaliers soit étendu à l’ensemble des salariés français, il propose simplement qu’on punisse les frontaliers en leur cassant leur jouet pour les mettre à la même enseigne que leurs autres concitoyens, sans que cela ne vienne améliorer en rien leur sort.

Bien entendu comme c’est difficile de jouer franc-jeu, il avance masqué et dissimule la vraie raison sous les oripeaux de l’égalité. L’égalité se vend bien, l’envie un peu moins. Par contre l’envie cachée sous le masque de l’égalité peut faire un tabac. Le Bayroutiste du Modem Antoine Vielliard, centriste proclamé, mais en vérité rallié à Hollande, batifole donc sur l’égalité.

Certes il ajoute un argument : si l’assurance maladie des frontaliers coûte trois fois moins cher, c’est tout simplement parce qu’ils sont jeunes et qu’ils ne participent pas à la solidarité avec les classes âgées. C’est même le seul argument rationnel dans son article paru le 13 juin sur son blog. Toutefois une limite existe : aucune démonstration n’est rapportée. Une question n’est pas débattue : et si la différence de cotisation  reposait en grande partie sur une meilleure gestion par les assureurs privés que celle par les caisses de sécurité sociale, qui allient gaiment comme on sait le faire en France, bureaucratie incroyable, gaspillage permanent, fainéantise massive, absentéisme colossal, inefficacité légendaire ? Où sont les chiffres ? Il ne propose dans sa philippique contre les frontaliers strictement aucun chiffre. Reste donc la démonstration à rapporter. Et là une réelle discussion s’engagera.