Mois : septembre 2011

Les bons habitants, les mauvais et les immondes pétitions.

La faillite de la décentralisation

Boom ! Les résultats des élections pour le renouvellement partiel du Sénat viennent d’exploser à la figure de la majorité. Même si le Nouveau Centre a progressé en nombre de sénateurs avec quatre élus supplémentaires, outre la réélection des trois sortants, passant ainsi de 9 à 13, ce lundi avait un goût amer.

Une des causes de ce renversant renversement est la sourde résistance des élus territoriaux à la réforme locale. Et ce sont eux les électeurs du Sénat. Elle menace quantité de situations, par la simple réduction des postes. Erreur tactique, mais pourtant nécessité stratégique. Parce que cette réforme, insuffisante d’ailleurs, est absolument nécessaire.

Le paradoxe pour les girondins que sont les centristes, adeptes de la décentralisation, est que celle qui a été réalisée à partir de 1983 a tout simplement créé des féodalités, des prébendes, des rentes de situation. En trente ans, et surtout dans les 15 dernières années, un mille-feuille administratif s’est mis en place. On a multiplié les fromages pudiquement appelés « syndicats » ou « communautés » ou « agglomération », etc. Partout des présidences -rémunérées- des vice-présidences – également rémunérées. Partout surtout la multiplication des fonctionnaires territoriaux. Il n’est aucun roitelet qui ne veuille avoir dans sa mairie quantité de têtes dociles qui obéissent à ses directives, qui courent et s’agitent et lui donnent le sentiment d’exister. Les sots de gauche (nombreux) et les sots de droite (également nombreux) se sont fait concurrence dans l’embauche débridée. Les effectifs de la région ont explosé. Ceux des communes ont explosé. Dans notre agglomération on pourrait se livrer à la même analyse pour les communes. Quant à la communauté de communes devenue Agglomération avec un grand A et beaucoup d’emphase, il n’y a pas longtemps son excellent président dans une interview rappelait qu’à l’origine le syndicat gérant l’eau pour les 6 premières communes comptait 4 préposés, et aujourd’hui la structure en compte plus de 300. C’est un désastre.

À ce point de la problématique, le même président soutient que l’Agglo (sic) a beaucoup plus de compétences. Par exemple le transport. Sauf que le transport est dans la réalité concédé à un délégataire de service public et que pour l’essentiel les bureaux qui s’en occupent dans la structure administrative, passent commande à des bureaux d’étude externes. On est fou.

Et de construire, et de loger tout ce monde, et de vouloir au contraire multiplier encore les commissions, les machins, et surtout les in-dem-ni-tés.

Et quand vous avez un fromage, qui non seulement vous nourrit financièrement, mais en plus gonfle votre égo et fait de vous, un obscur, d’un seul coup un « chef d’entreprise », et un gros chef d’entreprise, qui en prime vous donne du pouvoir, alors vous entendez le conserver. De ce fait si un gouvernement intrépide, pour le coup on pourrait même dire téméraire, veut rationaliser le machin, il devient votre ennemi personnel. Et derrière c’est la claque sénatoriale.

C’est la mort dans l’âme qu’il faut se rendre à l’évidence de l’échec patent de la décentralisation en France, telle qu’elle a été réalisée. Elle doit être réinventée. Elle doit l’être sur des bases plus saines. Il y a deux maux majeurs qui ont sapé l’édifice. D’abord les prébendes, le côté fromage. Et pour lutter contre cela c’est simple : faire comme nos voisins. Les élus ne reçoivent aucune rémunération. Je sais que j’exagère, les indemnités ne sont pas totalement inutiles. Et le second s’appelle cumul des mandats. Sur ce point des progrès s’accomplissent, mais il reste le cœur du système avec le cumul occulte des présidences et des vice-présidences des différentes strates des mille-feuilles administratifs. Vache nourricière d’un parasitisme dévastateur. Derrière il y a le contribuable qui paye les frasques de cet indécent gaspillage. Et derrière encore il y a toutes ces ressources jetées en l’air, qui pourraient à la fois réduire la dette et être orientées vers l’investissement.

Aux armes citoyens ! On se fait égorger par le fromage. Une honte dans notre pays. C’est lui qu’il faut abattre.

«Exonérer partie du parc d’attributions sensibles». Ou La rhétorique du contournement.

Petite explication de texte. Cette phrase au sens obscur a
été prononcée lors de la séance du 13 septembre 2011 du conseil municipal. Le
sujet était le plan local d’habitat (PLH).

 

L’oratrice rendit grâce à la sagacité des dirigeants
municipaux, au caractère visionnaire de son maire,  et rappela qu’à Annemasse, à
la différence des autres villes de l’agglomération, et de tous ces vulgaires
bourgs si remplis de ces affreux nantis, ce sont plus de 25 % de logements
sociaux qui peuvent accueillir outre toutes les misères de la terre, nos
concitoyens aux revenus plus modestes qui ne peuvent trouver à se loger.

 

Elle expliqua qu’il fallait éviter la concentration des
logements sociaux dans la seule ville d’Annemasse, et au contraire viser à une
meilleure répartition dans l’agglomération. Et dans l’attribution des logements
qu’il fallait veiller à l’équilibre. Équilibre de quoi ? Mais c’est en cet
endroit que le bât commence à blesser. Car si la ville peut décider de leur
attribution, au moins pour partie, et suivre ainsi une politique dont on ne
connaît d’ailleurs pas les ressorts, le préfet et ses préposés ont également un
pouvoir d’attribution, de sorte que se pose la question du respect de
l’équilibre sociologique, qu’ils torpillent allègrement sans même avoir l’idée
«d’exonérer partie du parc», entendez sans égard pour ledit équilibre innomé.
Vilain préfet, gentil maire, très gentil adjoint.

 

C’est dans ce contexte qu’elle prononça cette phrase d’une
obscure clarté.

 

Tout s’éclaire pourtant si on traduit la proposition
hermétique en langage plus simple : il faut attribuer les logements sociaux en
respectant les équilibres et en empêchant le préfet d’imposer des
personnes «sensibles» dans le parc de ces logements.

Qu’est-ce donc d’abord que cet optimum d’équilibre ? L’adjoint
excellent à l’urbanisme a répondu à cette question à travers plusieurs séances
du conseil. Pour lui il faut préserver un «équilibre montée par montée», il
faut concurremment «éviter la ghettoïsation», Annemasse ne doit pas aller
au-delà du pourcentage actuel de logements sociaux lesquels doivent se répartir
dans toute l’agglomération.

Et que sont ensuite les attributions «sensibles» ? En fait ce qui
est sensible c’est l’attribution à des 
personnes qui pour le coup sont elles aussi «sensibles».

 

Je partage l’opinion de l’adjoint sur la nécessaire
répartition des logements sociaux, sur son souci d’éviter les ghettos, sur sa
volonté d’éviter les déséquilibres sociaux. Je partage aussi l’idée de cette oratrice. Ce que je partage plus
difficilement c’est la langue qui l’exprime.

 

Il faut méditer sur 
cette phrase prononcée à la séance du 13 septembre. D’où sort-elle ? En
fait elle sort tout droit de la bien-pensance, du politiquement correct, de
l’autocensure. Il existe un innommable, pour le discours dominant. Ce qui ne
peut être nommé c’est l’origine des personnes «sensibles».

 

Pour l’adjoint à l’urbanisme donc, répondant à ma demande
d’éclaircissement, il s’agit de trouver des équilibres «montée par montée».
L’équilibre des montées. Une nouveauté dans le discours de gauche. Le début de
la reconnaissance de la difficulté mondaine. Le monde ne fonctionne pas comme
une idéologie. Dans l’idéologie toutes les montées sont égales, dans le monde
réel il y a les grands, les petits, les gros, les maigres, les Dunkerquois, les
Annemassiens d’origine dunkerquoise, etc. Dans le monde réel, c’est vrai qu’il
faut rechercher les équilibres entre les différents groupes de la société qui
tissent le patchwork sociétal. Alors que dans l’idéologie, il n’y a que des
camarades, des citoyens, des prolétaires, tous égaux sous le joug de l’horrible
impérialisme capitaliste américain. Que l’adjoint à l’urbanisme en vienne, lui,
à reconnaître qu’il faut rechercher un équilibre «montée par montée» en dit
long sur l’application du discours à la réalité. Poser une telle affirmation, sans détour et clairement, c’est se mettre
immédiatement à dos la ligue des conformistes. Sans compter les
journalistes dont les stylos vont s’écraser au plafond, catapultés par un
spasme de réprobation. Dans ce billet cela restera largement innomé. Je ne nommerai en conséquence
pas les concepts cachés du discours alambiqué, qui s’est encoublé dans la périphrase, la
litote, la rhétorique de contournement. Je tiens aussi à la tranquillité.

 

Mais je sais que c’est idiot. Parce que le non-dit reviendra
comme un boomerang à la face des bienpensants par la surrection politique des
extrêmes.

Au boulot !

Vous croyez peut-être que les vacances politiques durent autant que la semaine des quatre jeudis ?

C’est non. La triste et dure réalité est là. La séance de ciné actuel est annulée, et vous n’aurez même pas vos débats d’après le film avec toutes les vielles taupes annemassiennes de gauche. Mais personne n’est obligé de lire l’ordre du jour de la séance du 13 septembre, et sa présentation synthétique. Si vous y tenez quand même, cliquez, et le tour est joué :

https://idisk.mac.com/juriste//Public/notesynthese130911.pdf

https://idisk.mac.com/juriste//Public/ordredujour130911.pdf

En revanche ce serait bien du malheur de ne pas écouter ça ! (C’est un test : si vous résistez vous garderez votre ordinateur, sinon vous ferez marcher le commerce).

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