Existe-t’il des défaites qui sont des victoires ?

Si la réponse est oui, le fiasco d’Espaces Libres qui
capitule en rase campagne pourrait aussi ressembler à une victoire. D’un peu
loin quand même.

Les faits :

Acte I

N’écoutant que sa volonté de faire un urbanisme ringard des
années 60, consistant à densifier, bétonner le centre-ville, pour sur-densifier
le logement social, façon Berlin-Est, le maire d’Annemasse a monté cette
opération de Chablais-Gare, appelée aujourd’hui Chablais-Parc par une équipe de
zombis publicitaires.

Les règles d’urbanisme ont été tordues pour les plier à
cette opération.

Acte II

Un promoteur s’installe qui veut en faire ses choux gras.

Et nos idéologues socialistes et tiers-mondistes de l’équipe
majoritaire, tournant pudiquement leur visage pour regarder ailleurs, vers les
cieux où ils pourfendent habituellement le grand capital, pris d’amnésie tout
en se bouchant le nez, ont signé un chèque en blanc.

Un architecte, disant de lui modestement qu’il est parmi les
meilleurs au monde, barbouille l’opération de génie. L’équipe municipale n’a
plus d’odorat, et surtout plus aucune vue, si bien qu’elle ne remarque toujours
pas que la société de son artiste préféré a déposé le bilan à Paris, ne
laissant qu’un modeste trou de 1 168 615,91 €. Une paille. Et comme tout
ça est inspiré par de pures considérations d’efficacité, il a remonté illico sa société
sous le même nom, mais à Genève cette fois. Vous voyez que c’est international.

Acte III

Une association se créée qui veut combattre la gangrène du béton.
Elle s’appelle Espaces Libres. Elle est animée par des citoyens hostiles au
bétonnage de la ville. Cette association a peu de moyens financiers. Elle
contestera les permis de construire déposés par le promoteur et son architecte
international accordés sous les vivats de la foule compacte du conseil municipal, à deux
exceptions près.

Acte IV

Ses arguments sont pris au sérieux. La Sainte-Alliance du
maire, du promoteur et de l’architecte, clame pourtant urbi et orbi que le
recours est voué à l’échec, mais ils le croient si peu qu’ils mettent en œuvre
une stratégie aussi ancienne que le monde. La menace. Le chantage. La stratégie
du pot de fer contre le pot de terre.

L’impeccable promoteur et son architecte, qui par honnêteté
remboursera nécessairement tous les créanciers de sa défunte société avec les
honoraires de l’opération encaissés à Genève, ont alors engagé un procès
contre l’association lui réclamant pas moins de 950 000,00 €.

Acte V

L’association a pris peur. Ses dirigeants ont eu peur. Ses
membres ont eu peur. Ils ont capitulé. En échange du retrait de cette demande
dirigée contre eux, abusivement élevée, ils se sont désistés. Ils ont cédé
parce que d’abord ils connaissent mal les procédures, le droit, et les
tribunaux français. Parce qu’ils ont eu peur que la musique du promoteur de son
architecte et du maire d’Annemasse ne soit vraie. Alors que jamais, vous lisez
bien JAMAIS aucun tribunal ne les aurait condamnés. Parce que la Justice ne
plie pas devant les affaires. Parce qu’en recourant contre les permis ils ont
exercé un droit légitime. J’ai lu cette assignation, et j’ai eu honte du
procédé employé. C’était du vent. Mais pas le vent de la baudruche, celui
vicieux qui porte la peste.

En cliquant sur le lecteur, vous écouterez le chant crépusculaire d’un monde enenglouti par le béton.


http://www.deezer.com/listen-923177