C’est l’histoire d’un promoteur et d’une association. Le promoteur veut promouvoir un projet délétère. L’association le combat. Le promoteur est au bénéfice de promesses de vente par les propriétaires des parcelles sur lesquelles il veut établir son projet.

Le projet s’appelle Chablais – Gare. Il a été rebaptisé « Chablais-Parc » ; si ce n’est pas de la poésie, c’est un mensonge, surtout quand il s’agit de couler des Himalaya de béton.

Le promoteur a conclu avec les propriétaires des terrains concernés par l’opération des promesses de vente.

Il s’est engagé à faire l’acquisition des parcelles pour le prix stipulé au contrat dès que les conditions suspensives seraient levées.

La quatrième condition suspensive stipulée concernerait l’absence de recours des tiers contre les permis de construire.

C’est une condition banale, que l’on rencontre dans tous les projets.

Pour que la promesse se réalise, et se concrétise dans l’achat fait par le promoteur, il faut donc qu’il n’y ait aucun recours contre les permis de construire. C’est le sens de la condition suspensive stipulée à son bénéfice exclusif.

Le promoteur vient d’écrire à tous ceux qui lui ont promis de lui vendre leur bien qu’il entendait proroger le délai, initialement fixé au 31 décembre 2008, prorogé une première fois au 31 décembre 2009, que cette fois il le serait pour le 31 décembre 2010.

Il expliquait dans son courrier qu’il y avait un os : une association dénommée Espaces Libres. L’audacieuse avait eu le toupet de former des recours contre les permis de construire.

Le promoteur écrit à ses promettants.

«Nous sommes convaincus que le recours formé par l’Association Espaces Libres est voué à l’échec pour la simple raison qu’il n’est pas fondé, toutes les contraintes posées par le Plan d’Urbanisme de la Ville et le règlement de la ZAC devenus tous deux définitifs ayant été respectées.

Notre avocat a confirmé récemment notre position à ladite Association en attirant son attention sur les conséquences de sa démarche en termes de préjudice du fait des retards qu’elle engendre».

La société VIRGIL n’explique pas les raisons pour lesquelles les promesses de vente ont été prorogées de décembre 2008 à décembre 2009. Elle veut aujourd’hui reporter la responsabilité des retards aux seuls recours contre le permis.

Peut-être cherche-t-elle par avance à se défausser sur cette petite association de l’impossibilité économique de poursuivre son programme ?
Ce sont bien des menaces faites à cette association : si vous poursuivez votre contestation, nous vous assassinerons. Par la demande en réparation de notre préjudice, né du seul fait d’avoir exercé un recours qui engendre des retards.

Quoiqu’il en soit, la menace est bien là.

Cherchez l’erreur : démocratie, liberté, ET promoteur.

La loi, la constitution nous garantissent de nos libertés. Une liberté fondamentale est de pouvoir s’adresser à Justice.

Parallèlement, le promoteur a fait écrire un courrier de menaces par son avocat, directement à l’association.

Sa conception des libertés et des droits se résume ainsi : la liberté existe, dans les livres. La démocratie existe, ailleurs qu’ici. Ici, et dans la réalité, si vous exercez un recours, si vous saisissez un tribunal, si vous exercez les libertés qui vous sont accordées par la constitution, alors, vous vous exposez aux foudres du promoteur.

Il est légion. Au sens de Marc. (Marc 5 : 9) « Et, il lui demanda. Quel est ton nom ? Légion est mon nom, lui répondit-il, car nous sommes plusieurs ». Luc (Luc 8 : 30), précise : «Légion, répondit-il. Car plusieurs démons étaient entrés en lui ».

Ses démons se nomment : bénéfice, bénéfice, bénéfice, menace, menace, menace. Vous voyez qu’ils sont plusieurs !

(Oui, j’exagère, je ne suis pas contre tout bénéfice, je suis contre celui qui exproprie l’intérêt général, contre celui qui coule du béton au lieu d’aérer la ville).

C’est contre cette légion qu’il faut lutter. À peine de voir disparaître la démocratie, l’oxygène qu’on respire.

Et « Légion » a tort. C’est difficile quand on est légion d’arrêter la haine que mille démons font germer en vous ! Je blague.

La légion à tort parce qu’elle confond l’exercice d’un recours et le recours abusif. Le recours abusif c’est celui qui, sciemment, est exercé dans la seule intention de nuire.
Les recours exercés par l’association, à ma connaissance, l’ont été par hostilité au projet. Je suis aussi hostile à ce projet. Je suis hostile à une municipalité qui poursuit un développement urbain de surdensification. L’association aussi, et c’est pour cela que je la soutiens.

Et il existe un argument encore supérieur.

Si donc le promoteur, la légion, était si sûr de la validité des permis de construire, alors expliquez-moi pourquoi il ne passerait pas outre les recours qui ont été introduits par l’association ?

C’est si facile pourtant. Il lui suffirait de renoncer à se prévaloir de la quatrième condition suspensive, celle qui vise l’absence de tout recours.

Mais, pourquoi diable, ne va-t-il pas écrire qu’il renonce à s’en prévaloir de cette quatrième condition suspensive ? Condition qui n’a été stipulée « que » dans son seul intérêt ? Il y renonce, il paye, et voilà. Pourquoi faire tant d’histoires ?

C’est tout simplement parce qu’il n’est sûr de rien. Ou parce qu’il ne veut pas payer aujourd’hui.

D’où les menaces qu’il profère.

Pauvre maire, pauvre majorité municipale. S’allier à ça. Quelle honte.

Et il y a encore pire. (Si, si, c’est possible).

Le promoteur – légion, cette engeance bénéfique-, n’y va pas par quatre chemins : il propose aux destinataires de sa lettre la création d’une association chargée avant tout de combattre les recours en annulation des permis de construire, il s’engage à la financer intégralement.

«Cela étant, il serait opportun, pour accompagner nos propres actions, que les Promettants se réunissent eux-mêmes au sein d’une association à constituer dont l’objet serait la défense de leurs intérêts et qui pourrait ainsi engager une procédure en justice contre l’Association Espaces Libres. Si tel était le cas, notre société serait prête à conseiller utilement cette nouvelle association en demandant à notre avocat de coordonner les procédures, étant précisé que nous serions disposés à supporter tous les frais engagés à cette occasion (frais de constitution, frais de procédure, honoraires d’avocat)».

C’est une forme de corruption.

Une association subventionnée, stipendiée est chargée d’agir contre l’Association Espaces Libres.

C’est le règne des concombres masqués. Ceux qui avancent toujours dans l’ombre. Ceux qui n’osent dire en face du soleil ce qu’ils sont, ce qu’ils font.

Inimaginable conception de la démocratie, la démocratie des coups fourrés. La démocratie des complots. Ces gens sont dangereux.