Une infirmière commet une faute.

Sa faute fait une victime. Un enfant est mort. Une tragédie. L’infirmière n’a pas cherché à esquiver. Elle s’est livrée immédiatement.

Elle a été mise aussitôt en garde à vue.

Est-ce normal ?

Je vous dis que non.

La garde à vue est un emprisonnement immédiat, dans un commissariat ou une gendarmerie, pour 24 heures systématiquement prolongées de 24 heures à la discrétion de l’enquêteur, en théorie sous le contrôle d’un magistrat, mais en réalité sans contrôle aucun.

La France connaît une explosion des gardes à vue.

Alors que le code de procédure pénale martèle que cette mesure ne peut être prise que pour les nécessités de l’enquête, la réalité est qu’à tout bout de champ, pour rien souvent, nos concitoyens sont jetés dans une cellule, généralement indécente de saleté, sans lacet, sans ceinture, sans repère.

Bien sûr qu’il y en a beaucoup pour qui la mesure est pleinement justifiée. Les assassins, les violeurs, les ceci, les cela. Vous voyez, vous approuvez. Et pourtant, souvenez-vous que parmi les violeurs soupçonnés, les assassins désignés, sommeille parfois un innocent. Rappelez-vous d’Outreau. Rappelez-vous toujours d’Outreau, de son juge, de son procureur, de ces hommes sûrs d’eux qui vous crachèrent à la figure qu’ils n’avaient aucune excuse, aucune à présenter à quiconque. Rappelez-vous en quand vous penserez à la garde à vue. C’est le début de l’affaire d’Outreau.

La garde à vue fait partie de la technique policière. Un outil parmi d’autres, très fréquemment utilisé.

Et l’infirmière ? Était-ce pour les nécessités de l’enquête ? Certainement pas puisque l’enquête était terminée pour ce qui la concernait elle, immédiatement, puisqu’elle avait tout reconnu, et qu’elle s’était accusée. Alors pourquoi la garde à vue ? et bien pour rien. Ou plutôt pour la galerie. Pour marquer le coup. Pour dire l’émoi. Pour de bons motifs, mais pas ceux de l’enquête.

Pour la punir aussi. Par anticipation, pas comme dans un vrai procès, dans une sorte d’apéritif du procès qui viendra après.

C’est le policier qui en a décidé. Ou le gendarme, peu importe. Et il a eu tort. Il a eu tort parce que ni le Code pénal, ni le code de procédure ne prévoient un tel détournement.

Réfléchissez au delà de l’infirmière. Réfléchissez aux centaines de milliers de personnes qui sont placées en garde à vue chaque année. Sans que l’enquête le nécessite. Sans même qu’il y ait pour leur affaire de véritable trouble à l’ordre public. Vous savez le trouble à l’ordre public c’est la clameur. Je sais bien que pour l’infirmière on pourrait objecter que justement l’ordre public a été troublé. Oui, mais c’est la plus scélérate des notions que celle de l’ordre public, tout entière livrée à l’appréciation des gens de l’appareil judiciaire, sans contrôle véritable.  L’ordre public et son trouble est un des refuges de l’arbitraire.

Alors l’infirmière, quelle que soit sa faute, je la veux libre. Libre jusqu’à son procès, qui viendra. Elle sera jugée, et les juges décideront de son sort. Ça oui, mais la garde à vue, pour elle, non. C’est dans son cas un pur abus. Dans énormément de cas, c’est un pur abus. Un pouvoir grignoté jour après jour par ceux investis de l’autorité, qui plonge les personnes concernées dans leur arbitraire.

Nous sommes à l’orée d’une nouvelle année. Faisons en sorte que les libertés publiques progressent. A Annemasse, comme ailleurs. Nous n’en serons que plus forts.