Comment ne pas succomber au charme de ce programme de pôle multimodal, et multi machin, porté par les plus hautes instances transfrontalières, et qui accouchera bientôt, CEVA oblige, d’une gare secondaire pour Genève, d’un quartier nouveau rempli d’ONG de tout poil – du moins dans le discours – d’un centre d’affaires, de commerces, et dans sa partie Sud-Ouest de l’immeuble hérité de feu la 2C2A, dont le projet est repris par Annemasse Agglo, et qui ne coûtera que quelques millions d’euros ?

Une question tout d’abord ne se pose plus, celle de la nécessité de restructurer l’espace autour des voies ferrées, espace qui coupe l’agglomération. Ambilly, Annemasse, Ville-la-Grand en sont d’accord, naturellement. Mais les autres communes aussi.

La seule question qui se pose est celle de savoir si le projet de Ville la Grand et celui d’Annemasse, refilé à l’agglo, sont vraiment conciliables. D’un côté, il y avait l’idée, excellente, de la couverture des voies, de l’autre celle plus ringarde d’immeubles en rang d’oignions.

Et le désespoir s’abattait sans appel sur ce pauvre monde qui espérait tant de l’architecture, et de l’urbanisme municipal.

Un clash. Une contradiction. Quelle horreur !

Même la novlangue annemassienne ne parvenait pas à cautériser la plaie. Vous savez la novlangue, c’est cette langue qui substitue le signifiant ronflant au signifié banal, par exemple la « concertation » à la simple information. La municipalité de gauche d’Annemasse est championne dans cet exercice. Mais là le morceau était trop gros. Alors, on mit au point une parade : le silence. Plus un mot sur la contradiction.

Mais tout n’était pas fini. Tout n’est jamais fini.

L’espoir renaît, tel un Phoenix au tournant de la dernière mouture du projet du « pôle de prospective territoriale de l’agglo ». La rhétorique change de cap.

La réflexion au niveau de l’Agglo, de ses commissions, notamment de celle de l’aménagement/SCOT/PLU, avance dans une direction intéressante.

Il est d’abord question de découper temporellement le projet Etoile en plusieurs phases. Dans une phase 1 on assurerait un franchissement des voies.  Puis plus tard, dans une phase ultérieure, l’idée d’une couverture, dans une proportion que les études permettront de déterminer, n’est plus reçue comme une hérésie, mais est retenue comme une idée.

De ce point de vue une partie du pari de Ville la Grand est repris incidemment par le projet global.

C’est une évolution. Pas encore une révolution. Il faudra attendre que le projet prenne de la maturité et soit validé par l’instance délibérante de l’Agglo pour y voir plus clair. Pour l’instant, suivons avec sympathie le frémissement d’un renouveau.

Intéressant également l’accent mis dans les discussion de la commission sur le positionnement économique, qui proclame que la priorité du projet est la réalisation d’un quartier d’affaires, s’appuyant sur le CEVA .

Toutefois il est ajouté, que ce quartier d’affaires aura pour vitrine « la Cité de la Solidarité Internationale ». La question est de savoir si c’est bien conciliable.

Le sentiment qu’inspire cette proposition, contradictoire, est qu’en fait la priorité est un centre d’affaires, mais que, pour atténuer la rupture avec le discours annemassien sur les ONG, on conserve en vitrine la solidarité. Nos ONG ne sont pas encore sorties complètement du champ de la rhétorique, mais elles ne constituent plus la priorité, simplement une vitrine.

Resterait à démontrer la compatibilité d’un quartier d’affaires avec une vitrine de Solidarité Internationale. Dans l’ordre du discours, rien n’interdit les plus prodigieux mots valises, les plus audacieuses apories, mais dans l’ordre du réel, c’est plus douteux.

On relèvera dès lors qu’elles ne constituent plus la priorité, que les ONG glissent déjà vers la sortie. Et puis, une fois que Noël est passé, on refait les vitrines, n’est-ce pas ?