J’ai voté contre ce projet simplement parce que je le pense funeste pour la ville d’Annemasse.

Il faut que tous nous comprenions bien de quoi il s’agit vraiment.

Sur deux hectares coincés entre l’avenue de la Gare et la rue du Chablais, un énorme projet est parti pour se réaliser. Car il se réalisera maintenant, sauf miracle.

Je passe sur les milliers de mètres carrés de surfaces commerciales, le montage financier qui fait la part belle aux sauveurs actuels du projet, deux puissants groupes financiers, tohu et bohu, alliés ici comme larrons en foire,  je passe aussi sur le tiers de logements sociaux présenté comme le justificatif ultime de ce pari urbanistique, et la panacée. Je passe aussi sur les chances qu’on rate. On rate la construction d’un quartier en harmonie avec le reste de la ville. Un quartier à son échelle.

Non, plutôt que la mesure, la démesure. L’enflure plus exactement. L’enflure d’un architecte présenté comme un génie. Pensez, il a reçu un prix pour une réalisation au Portugal ! alors les ringards, les antimodes, les anti-intellos, les anti mimétiques, taisez-vous. L’artillerie des moutons de Panurge tonne. Elle détient la vérité. Elle est le chemin, la vérité, la vie. Et elle mourra de modestie.

Rien n’est fait, mais vous devez vous pâmer d’admiration. Vous allez voir cette verticalité du tonnerre, ces jardins suspendus riquiquis, mais à la manière de Babylone, version Allemagne de l’Est. Pile dans la mode actuelle, c’est à dire démodé demain. Quand ce sera gris. Quand ce sera sale. Quand ce sera glauque, quand ce sera délabré. Quand le centre aura implosé dans ce trou noir en orbite autour de son signal dérisoire, le truc en verre qui nous rendra plus grands que le jet d’eau de Genève. 

Et tout ça pour quoi ? Pourquoi 450 logements sur 2 hectares ce qui représente environ un millier d’habitants. Un millier d’habitants pour 2 hectares, c’est 500 habitants à l’hectare. Bravo, et puis ? Et bien 500 à l’hectare, c’est simplement 50 000 au kilomètre carré.

Avec actuellement 6 000 habitants au kilomètre carré, Annemasse et ses 30 000 habitants sur moins de 5 kilomètres carrés est la commune la plus dense de la Haute-Savoie. On va battre les records.

Pourquoi donc ? Parce que les amis il faut den-si-fier. Au nom du développement durable, au nom de la solidarité, au nom de ma sœur, au nom du n’importe quoi, au nom des idées cadavériques enflées de suffisance.

Et pourtant nous savons tous que si l’on doit en effet densifier, on peut le faire soit à la manière du ghetto, soit à la façon des quartiers à échelle humaine. Manhattan ce n’est pas à échelle humaine. Et un sous Manhattan de banlieue ça l’est encore moins. On peut entasser, ou non, on a le choix. On peut densifier les centres des bourgs. On peut densifier les cités environnantes. On n’est pas obligé de sur-densifier Annemasse en priorité. On ne doit rien à personne. On doit d’abord réaliser une ville vivable. Pas un truc de magazine qui est joli exclusivement sur son papier glacé.