Il est utile de revenir sur la question du social, celle qui nous divise, entre la « majorité » et « l’opposition ». Qui nous divise plus formellement que sur le fond, parce que je crois que tous nous pourrions nous accorder sur ces questions, à la seule condition de bien définir de quoi on parle, et quels sont les objectifs. Ce qui d’ailleurs est le premier temps d’une démarche qui exclut comme seule réponse la réponse quantitative.

L’enjeu pourrait se définir ainsi :ou bien on fait la charité en donnant directement de l’argent aux pauvres, ou bien on leur donne d’abord des fonctionnaires de la charité qui ont mission d’administrer la distribution.

Mais pourquoi donc faut-il qu’un corps de fonctionnaires soit en interface entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. Encore que parler de ceux qui donnent est un raccourci trompeur puisqu’il y a la médiation de l’État, qui fait notre particularité culturelle. L’État au sens le plus large de ses multiples appareils et instances, du local au national. C’est l’État qui donne. C’est cela notre modèle social. L’État donne, l’État donne par la médiation de ses fonctionnaires sociaux.

Une charité administrée directement à ses destinataires par ses « fournisseurs » gênerait, dérangerait, et serait rejetée par tout le monde ou presque. On sent qu’elle contrarierait la dignité de ceux qui reçoivent. Cette dignité humaine, qui est justement sacrée. Et l’on sent immédiatement qu’instaurer un lien direct entre les deux, les donateurs et les donataires, se dégraderait et transmuerait en un lien d’allégeance, de clientélisme, de pouvoir, d’autant plus insupportable qu’il serait direct. Et le génie français est justement d’avoir fait échapper la société à la puissance des potentats locaux en développant l’État. Derrière chaque administré et assisté, il y a un citoyen, et derrière chaque citoyen il y a un électeur. Et derrière chaque électeur, une femme ou un homme. C’est au nom de la liberté aussi qu’on refuse l’allégeance au puissant de proximité.

Erreur pourtant que de croire que par le développement de l’État on échapperait au pouvoir , parce que si le pouvoir proche est insupportable par sa proximité même, le pouvoir lointain n’en est pas moins puissant et attentatoire à la liberté. Mais erreur commune qui comme toute erreur universelle finit par faire la vérité et la loi. Erreur, car l’État est un instrument de pouvoir encore plus violent, plus totalitaire que tous les autres. On paye l’illusion de cette liberté par une servitude plus grande encore.

Cette psychologie du pouvoir n’épuise pas la problématique, elle constitue simplement l’un des piliers de la réflexion. Cette réflexion qui plus prosaïquement doit aussi s’intéresser à nos finances publiques, et plus encore s’intéresser à l’efficacité intrinsèque de notre modèle collectif du social.

En d’autres termes l’argent des contribuables, car ce n’est au fond que cela, est il bien employé en irriguant ce système État-fonctionnaires sociaux-personnes aidées ? Chaque euro dépensé pour l’aide n’est il pas absorbé par la machine chargée de le distribuer ? Si l’on répond oui, il faut aussi s’intéresser à la proportion de cette absorption. À son efficacité. Et pour répondre à ces nouvelles questions, il faut les étudier.

Sans nécessairement par cette étude entrer dans une logique purement comptable, mais au contraire rester dans une perspective simple. Celle de la maximalisation de l’effort collectif en faveur de ceux qui en ont besoin.

Ce qui participe de cette autre idée simple qui est celle de la bonne utilisation des deniers publics.

Et nous pouvons tous commencer à nous interroger, à interroger les décisions, à nous intéresser aux études qui pourront être faites, ou encore celles que nous souhaitons voir faire. Ce qui nous reconduit au coeur de la décision prise le 27 mars 2008 par le Conseil Municipal, et qui est frappante.

Il s’agit d’intervenir dans une Zone Urbaine Sensible, où les besoins sont comme nous le savons, constants, pour apporter, c’est le titre du projet, plus de cohésion sociale. On est ici au coeur de cette problématique. Et la réponse que nous donnons passe en proportion importante par un accroissement du nombre des personnels « sociaux ».

Peut-il en aller différemment, c’est toute la question.